En Alsace Lorraine uniquement, toute paroisse doit être dotée d'un Conseil de Fabrique qui a pour rôle de gérer tous les biens et revenus de la paroisse. A l'origine, l'expression « Fabrique » signifie la construction même des églises puis a finalement recouvert l'ensemble des travaux de réparation et d'entretien de ces églises. Le Conseil de Fabrique désigne l'ensemble des personnes chargées de la gestion de ces biens. Dans les paroisses de moins de 5 000 habitants, le Conseil de Fabrique est composé de cinq membres.

En l'an 1856, le 9 mars, vu l'ordonnance royale du 12 janvier 1825, sur invitation de Monsieur le Curé LEYBACH se sont réunis au presbytère François Joseph JORDAN, Maire, Jean-Baptiste MULLER, Jean-George WERCK, Blaise ROSFELDER, François Antoine RISCH et George LUTZ pour l'installation des membres du Conseil de Fabrique. Après scrutin le Sieur WERCK est désigné Président, Blaise ROSFELDER est nommé Secrétaire. Après un deuxième scrutin Jean-Baptiste MULLER est nommé Président du Bureau des marguillers (1) et George LUTZ est secrétaire. Fait au presbytère le jour, mois et an. Voilà comment débute le registre des comptes de fabrique de l'église de Valff. Que pouvons-nous y découvrir ?

On y apprend, par exemple, que la fabrique est déficitaire malgré la location pour 614 francs pour avoir le droit de prendre place, lors des messes, sur les sièges de l'église, qu'il y a deux messes par jour, que le sacristain et l'organiste perçoivent chacun 125 francs, les chantres 30, les suisses 56, les enfants de cœur 26 et le tireur de soufflet de l'orgue 30. Le curé et le vicaire perçoivent 736 francs. La commune injecte donc tous les ans 100 francs supplémentaires.

Historique du conseil de fabrique  

« Les fabriques d’église sont régies par le décret du 30 décembre 1809, complété et modifié à diverses reprises et, en dernier lieu, par le décret du 18 mars 1992. Elles sont des établissements publics, dotés de la personnalité juridique de droit public, chargés de veiller à l’entretien des édifices cultuels et d’administrer les biens et revenus affectés à l’exercice du culte, en réglant les dépenses et en assurant les moyens d’y pourvoir. Les annexes, qui n’ont pas la personnalité juridique, peuvent être dotées par l’évêque d’un conseil de gestion chargé, sous contrôle du conseil de fabrique de la paroisse mère, d’assurer les tâches d’administration courantes », extrait du guide juridique du diocèse d'Alsace.

Le contenu

Le 26 juillet 1857, un décret signé par Napoléon III, sur un rapport du ministre secrétaire d'Etat au département de l'Instruction publique et des cultes, valide pour la fabrique de Valff, la perception pour une somme de 4163 francs de legs de particuliers pour l'église.

Retranscription du décret de 1856

Le premier détail des comptes est transcrit par le Marguiller et secrétaire Blaise ROSFELDER. Toutes les attributions devant être renouvelées tous les dix ans entre le bureau et le Conseil de fabrique, nous nous apercevons que le jeu des chaises musicales était une pratique convenue. Les intervenants avaient pour noms : naturellement le curé LEYBACH, Jean-Baptiste MULLER, George LUTZ, Blaise ROSFELDER, Jean-George WERCK et François Antoine RISCH.

Recettes et dépenses pour l'année 1855

La séance extraordinaire du 7 juin 1857

Cette année, en présence du Maire RINGEISEN, une réunion spéciale est tenue suite à une lettre du Sous-Préfet qui est tenu à donner son avis suite à une requête des catholiques de Gertwiller demandant que les catholiques de Bourgheim soit désormais annexés à leur paroisse. Levée des fourches !

En réponse, le Conseil déclare que les catholiques de Bourgheim sont unanimes à protester contre l'application projetée, que ces derniers ont toujours nourri une sympathie bien marquée pour leur église-mère dont ils sont bien plus rapprochés qu'ils ne le seraient de Gertwiller, que cette distance serait un empêchement pour envoyer les enfants à l'école de Gertwiller, tandis qu'il y a toute facilité qu'ils fréquentent celle de Valff. Les catholiques de Bourgheim font remarquer (la lettre parle à leur place) que l'assistance aux services religieux, vu la grande distance, leur causerait une perte de temps préjudiciable au temps restant pour leurs occupations domestiques. Pour ces motifs, les catholiques de Bourgheim émettent le voeu que l'état actuel des choses soit maintenu, et qu'ils puissent, comme par le passé, rester annexés à Valff.

Autres séances

  • Séance légale de Quasimodo du 11 avril 1858 : Jean-George WERCK, démissionnaire, est remplacé par François Joseph RIEGLER
  • Séance du 4 juillet 1858 : Un certain Monsieur ROBIN en qualité de légataire universel de Monsieur André CHEVALIER de Strasbourg informe que selon le testament de ce dernier, la vente de sa maison située à Strasbourg, 7 rue des sangliers, amènerait à verser à la fabrique de l'église de Valff, la somme de 1000 francs
  • Séance du 7 juillet 1861 : Reinhard KUNTZMANN, meunier à Meistratzheim qui a emprunté à la fabrique la somme de 600 francs en 1858, demande de pouvoir rembourser capital et intérêts afin de libérer l'hypothèque sur ses 4 parcelles de terres
  • 1863 : la commune augmente sa subvention qui était de 100 francs à 400 francs. Jean-George KLEIBER rejoint l'équipe
  • 1864 : suite au décès du Président François-Antoine RISCH, Florent WERCK est élu Président du Conseil. George SPECHT est admis en 1864

Les réunions du conseil de Fabrique avaient lieu au presbytère (fond BLUMER, archives de Strasbourg)

  • 1866 : En août, se présente le prêtre Jean Philippe RIEFFEL, prêtre du diocèse de Strasbourg et « exhibe » (dans le texte) sa nomination à la paroisse de Valff devenue vacante par suite du décès du dernier titulaire. Les postes de curés et abbés ne sont pas détaillés. Les uns et les autres desservaient l'église et la chapelle Ste Marguerite (2)
  • 1867 : « Aujourd'hui, le quatorze février 1867, devant nous soussignés, membres du bureau des Marguillers de la paroisse de Valff, s'est présenté Monsieur l'abbé Henri WALL, prêtre du diocèse de Strasbourg et nous a exhibé sa nomination à la paroisse de Valff devenue vacante par suite du changement du dernier titulaire ». Etienne SAAS est nommé Suisse à l'église de Valff et percevra la somme de 50 francs par an
  • 1868 : remplacement du dernier abbé ayant quitté la paroisse par l'abbé Joseph BERNHARD, prêtre du diocèse de Strasbourg. Point également sur les finances :
    • subvention donnée par la commune pour cause d'insuffisance des revenus de la fabrique : 300 francs
    • honoraires de Monsieur le Curé et Monsieur l'Abbé : 868 francs
    • salaire du sacristain-organiste : 226 francs et 80 centimes
    • traitement du sacristain : 125 francs
    • traitement de l'organiste : 125 francs
    • traitement des chantres : 31 francs
    • traitement des suisses : 55 francs
    • traitement des enfants de coeurs : 14 francs
    • traitement du tireur de soufflets de l'orgue : 40 francs
    • raccommodage et blanchissage du linge : 95 francs
    • balayage de l'église : 14 francs
    • huile pour éclairer les deux églises : 120 francs
    • cire pour les deux églises : 180 francs
    • bois de chauffage pour la sacristie : 50 francs
    • entretien des cloches, cordes, courroies et graissage : 15 francs

  • 1868 :
    • « En présence du déficit considérable et la commune ayant cessé depuis deux ans de donner une subvention, Monsieur le Curé, préalablement autorisé par Monseigneur l'Evêque, propose l'établissement de quêtes et le Conseil décide que tous les dimanches à l'office du matin soit fait une quête au profit de la Fabrique »
    • Produit des quêtes : 373 francs 65 centimes
    • Une lettre adressée par le maire de l'époque, François Xavier ANDRES à l'Evêque André RAESS mesure l'ambiance tendue et délétère qui régnait entre l'élu de la commune et les représentants ecclésiastiques. Le 19 avril de cette même année lors du renouvellement du tribunal du Conseil de fabrique, le curé RIEFFEL (3) et le maire ANDRES participaient (sur le papier ?!) à la délibération. C'est le seul document qui n'est pas signé par les participants. Le maire ANDRES habitait à côté du presbytère, la cohabitation devait être joyeuse ! [en savoir plus : Règlement de comptes à O.K. Corral-Valff]
  • 1869 : Le vicaire Emile HAUSSER est remplaçant au poste vacant laissé par son prédécesseur
  • En 1870, les quêtes annuelles se montent à 500 francs !
  • 1872 : à la séance du 7 janvier 1872, le curé RIEFFEL informe que depuis le 1er janvier 1872, l'instituteur Thiebault HILTZ (4), chargé jusqu'ici des fonctions de sacristain, avait cessé, ainsi que son aide-instituteur, de remplir les dites fonctions sans en avertir qui de droit ! Est nommé à la place Adolphe METZ. Le torchon brûle. Philippe RIEFFEL quittera la paroisse en 1880 et HILSZ en 1884

Et « au milieu coule une rivière ». Film, genre : drame.

(1) Marguillier : membre du Conseil de Fabrique chargé d'administrer les biens d'une paroisse, sous l'Ancien Régime et sous le Concordat

(2) Les curés durant cette période étaient Aloyse LEYBACH (1816-1866) et Philippe RIEFFEL (1866-1880)

(3) Philippe RIEFFEL est né à Obernai en 1822. Ordonné en 1848, il est vicaire à Drusenheim, curé à Maennolsheim, Valff puis Marckolsheim. Retiré à Obernai en 1894, il décède à Oberhaslach en 1895

(4) Thiebault HILSZ sera remplacé au poste d'instituteur en 1884. En 1897 à la mort de sa fille Marie-Anne à 44 ans et qui avait épousée Florent ROSFELDER, sa mère, fille du précédent instituteur LEYBACH qu'il a connu et épousé à l'époque où il était aide-instituteur est déclaré décédée. D'après la transmission familiale, son voeu était de ne mourir qu'après avoir vu les troupes françaises passer devant sa maison au premier étage dans la rue du moulin. Il rendit son dernier souffle quelques jours après la libération en 1918

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.