Carte postale de 1955

Le 1er mai 1931 mon père ouvrait au n°140 de la rue principale un magasin d'alimentation et un débit de tabac. Pour les denrées alimentaires, il s'approvisionnait au début chez les grossistes Ungemach et Magnette à Strasbourg, Kugel à Sélestat et Scheck à Benfeld. Par la suite il s'affiliait à la coopérative des épiciers de Colmar et environs qui portait le sigle « Charlie ».

A cette époque beaucoup de produits alimentaires se vendaient en vrac, notamment le sucre, sel, café en grains, flocons d'avoine, riz, pois cassés, haricots blancs, semoule, pâtes coquillettes et papillons, huile, vinaigre, pruneaux, raisins secs, biscuits de champagne, biscuits de cuillère, sucre candi blanc et roux, lin, riz pour poussins, rollmops, bonbons, même la moutarde et le Maggi. Dans la cour se trouvait le tonneau de choucroute et celui des harengs. On enveloppait ces derniers dans du papier journal avant de les peser.

Le débit de tabac, mis sous régie en 1939 et contrôlé par la Seita, était approvisionné par la maison Andlauer de Benfeld. Il proposait de nombreuses variétés de cigares et cigarettes de marques différentes, sans oublier le tabac gris et bleu, les briquets, les tubes à essence, le tabac à mâcher et les pipes. Dans le domaine alimentaire, d'autres produits étaient vendus aux clients : un assortiment de charcuterie que fournissait la boucherie Adam de Barr. A ce rayon, on achetait des saucisses de Strasbourg, des cervelas, saucisse de Lyon, de viande, de ménage, de foie, sans oublier le « Schwartemagen ». Le pâté et le salami étaient de la marque Clida. Le fromage de munster et le gruyère provenaient de la fromagerie Drach de Benfeld et Rentz à Ostheim. Les clients étaient très fidèles à la qualité de ces produits. Pour les vendanges et le battage de la moisson à domicile, mon père était le fournisseur préféré pour la saucisse et le fromage.

Les entreprises Doll à Benfeld fournissaient de la limonade de leur propre fabrication aux goûts d'aspérule, framboise, citron et nature. Un proverbe alsacien dit : « Drink limonade vom Doll, no worsch au net voll ». Cette entreprise fabriquait également des barres à glace que nous utilisions dans notre armoire frigorifique pour la conservation des produits et boissons fraîches.

Becco de Strasbourg était le spécialiste des bonbons : Valda, caramel, torsadés à la menthe et tispal. Deux années plus tard, le magasin se diversifiait dans la vente d'autres produits :

  • pour les couches de tabac : papier huilé, toile, vitrex, vitres et nylon
  • pour la récolte du tabac : ficelle à enfiler le tabac et aiguilles 
  • pour le bricolage : clous, vis, grillage à moustique, grillage pour lapinières et grillage pour jardins 
  • pour la semence : les semences courantes pour le jardin semence de betteraves (Eckenerfer et Zuckerwalze blanc et rouge) semence de trèfle (Spitzklee, Breitklee). Formaline pour la préparation de la semence de blé 
  • pour le nettoyage : balais, brosses, pinceaux et pelles
  • pour les écoliers : cahiers, crayons, ardoises, gommes, colle et encre 
  • pour la moisson : cordelettes violet et rouge (Schnallbender) faucilles, faux et pierres à aiguiser 
  • pour se chausser : sabots, galoches, chaussettes de laine et pantoufles et snow-boots 
  • pour tricoter et raccommoder : laine pour chaussette assortiment de mercerie: rubans, élastiques, fils à coudre et à broder, fermeture éclair, aiguilles pour coudre et tricoter
  • pour l'éclairage : pétrole 
  • pour les enterrements : cierges et bougies couronnes à perles, veilleuses et mantilles
  • pour le chauffage : briquettes et charbons
  • pour le ménage : pot à lait en grès de Betschdorf et en poterie de Soufflenheim services de table, bols, cruches à vin, verres saladiers, plats, bocaux de conserves et confi—tures, garnitures de toilettes, pots de chambre
  • pour le jardinage : houes, pelles, rateaux, faucilles et bêches
  • pour la ferme: chaînes pour attacher les bêtes, chaînes de traction, cordes pour veaux (Kâlberseil) cor—des de guidage (Leitseil) cordes pointues (Spitzseil ou Spitzstrang) pour la race bovine. graisse pour essieux (Korichschmier) éviers en ciment , auges en céramique pour les cochons, tonneaux en céramique pour navets et choucroute, et abreuvoirs en ciment
  • pour la cave : robinets et bouchons en bois (Riewerle) et soufre pour mécher les tonneaux suif pour l'étanchéité des portes des fats
  • pour les vignes : soufre en poudre pour la pulvérisation, sulfate de cuivre (Kupferfitriol) et raphia
  • pour la conservation des oeufs : silicate de soude (wasserglas)

Il y avait aussi les ventes spécifiques suivant la période de l'année :

  • Pâques : lapins en chocolat
  • Noël : jouets, oranges, mandarines, dattes et figues
  • Messti : pâtisserie

La vente des matériaux de construction débutait en 1932. Elle prenait une place importante dans l'activité de mon père. Il avait une grande clientèle sur place, mais également dans les villages environnants comme Meistratzheim, Goxwiller, Bourgheim, Zellwiller. La gamme des matériaux disponibles était très variée :

  • ciment, chaux, plâtre fin et gros
  • briques, tuiles plates (Bieberschw2nz) et mécaniques (Falzziegel)
  • tuyaux en ciment de diamètre 10 à 60 cm
  • chapeaux et portes de cheminée
  • conduite de cheminée
  • bardeaux (Schindeln)
  • ferrailles et poutres en acier
  • cuvette WC en céramique avec et sans couvercle
  • pierres réfractaires, carrelages rouges et jaunes
  • ...

Mon père mettait à la disposition des clients des armatures métalliques et le coffrage en bois pour des ouvrages voutés tels que des caves, étables, ponts. Une section « bois » faisait partie du dépôt de matériaux de construction. On pouvait se procurer des planches, des chons, des lattes sur différentes longueurs et des poutres sur mesure. Ce bois était fourni par la scierie Holweg du Hohwald. Monsieur Georges HIRTZ avec sa charrette et ses deux chevaux était chargé d'acheminer le bois depuis la scierie au dépôt de vente. Il partait de Valff le matin à 4 heures pour être de retour vers midi avec son chargement.

Carte postale de 1973

Voilà l'essentiel de ce qu'on pouvait acheter chez « S'Xaviese Alois ». A cette époque, il n'y avait que peu de moyens de locomotion, c'est pourquoi les gens achetaient tout sur place. Mes deux soeurs et moi-même, après avoir terminé nos devoirs de classe, avaient le droit de remplir chaque soir les casiers du magasin qui se sont vidés au courant de la journée et ranger les bouteilles vides. C'était le magasin de mon enfance !

Aloyse et Florentine MULLER, Hélène, Antoine et Thérèse

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.