Comme nous l'avons relaté dans un précédent article (à lire : La Poste : une histoire qui marche), les relations entre le postier, le Maire BIECHER et ses usagers n'ont pas toujours été des plus paisibles.

Suspicion et contrôle

L'agence postale dans la rue Thomas avait été reprise par Henri BIECHER, gendre du défunt maire, épicier et postier Aloïse MARTZ en 1895. Élu maire à la suite de son beau-père, BIECHER prend rapidement la fonction de président du premier Conseil d'Administration de la CMDP. Il est déjà chef de Corps des sapeurs pompiers (1888 à 1924). Il fait construire le restaurant « Au Soleil » en 1902 et fait transférer l'épicerie et la poste de la rue Thomas dans son restaurant. En 1904, BIECHER demande l'agrandissement du bureau de Poste en invoquant que ce dernier n'est pas distinct de ses communs utilisés à titre personnel. La porte d'entrée se situait à l'angle de la rue Principale et de la rue des Flaques, et est toujours visible aujourd'hui. 

Pendant ce temps, le conseil municipal présidé par le maire BIECHER décide de construire des classes pour l'école des filles et l'aménagement d'un appartement pour l'institutrice. Il n'en faudra pas plus pour que le bruit court que notre Maire se serait alloué les faveurs des mêmes entreprises pour l'aménagement de son restaurant. De là à faire circuler la rumeur que notre Henri aurait fait construire au frais de la commune, il n'y a qu'un pas !

1906. L'administration postale engage une enquête pour éclaircir la gestion du bureau de Poste. Il semble que BIECHER mélangerait le privé et le public. Des corbeaux bienveillants de Valff aiguillent l'administration. Un contrôle soi-disant inopiné est lancé et l'agent constate qu'il y a finalement trop d'argent dans les caisses de la Poste !  Le contrôleur dans son rapport, BIECHER étant absent, écrit que sa femme Madeleine lui aurait fait remarquer que vu leur situation financière aisée, ils n'ont nul besoin de s'abaisser à puiser dans la caisse de la Poste pour leur besoin personnel ! Le contrôleur en ouvrant le coffre-fort avait découvert une somme importante de billets de banque, d'or et d'argent. On conclura à une erreur malheureuse : c'est la fille de BIECHER qui, en déplacement à Strasbourg, aurait oublié d'informer la famille de ce dépôt personnel. Mme BIECHER soutient que la famille a régulièrement besoin de 2 à 3000 Marks pour ses affaires (soit environ 35 000 euros) et que la famille avait pris la liberté de profiter du coffre-fort de la poste pour mettre son argent en sécurité !

L'enquêteur fera l'inventaire des biens de BIECHER :

  • Un restaurant avec cour et dépendances
  • Une maison, anciennement épicerie et poste dans la rue Thomas louée à un maréchal ferrant
  • Des vignes, prés et forêts qui rapportent annuellement 950 Marks
  • 4 acres de vignes près d'Eichhoffen
  • Une propriété à Saint Hippolyte
  • Un capital conséquent en obligations

La femme de BIECHER, Madeleine, promet de faire le nécessaire pour que cette grave faute (dixit le contrôleur) ne se reproduira plus.  

Le dossier des affaires louches n'est pas terminé ...

Le 8 janvier 1910 est entamé une procédure judiciaire au tribunal de Saverne à l'encontre du facteur Eugène SAAS. Ce dernier aurait subtilisé à Mme Anna MICHEL née à Zellwiller et habitant Valff, la somme de 144 francs de sa rente qui ont disparu et que le facteur ne lui aurait pas remis. Naturellement le facteur conteste. Ceci n'est qu'un exemple des nombreux griefs et embrouilles liés à la poste à Valff !

La situation s'était tellement dégradée qu'en 1920 la direction des PTT du Bas-Rhin rédige le rapport suivant : « Le 1er mai, un facteur rural extérieur devra être transféré à Walff. Jusqu'à aujourd'hui aucun facteur local ne s'est présenté. L'agence de Walff nous fait savoir qu'aucune personne capable et volontaire dans le lieu n'est susceptible de faire le service auxiliaire pour le salaire journalier de 10 francs ».

Mais comment fonctionnait la distribution du courrier à cette époque ?

Le courrier était acheminé par voie ferroviaire jusqu'à Barr. A partir de la gare, un facteur rural transférait le courrier au bureau de poste central et de là, un facteur auxiliaire livrait les lettres à Valff. Or ce facteur auxiliaire étant vacant, le facteur rural devait parcourir chaque jour 35 km pour délivrer son secteur via Valff. Le courrier délivré auparavant deux fois par jour ne l'était plus qu'une fois : le matin. Résultat : réclamation massive de la population ! Normal, à l'époque, on râlait par habitude à Valff ! Finalement on recrutera un jeune volontaire du nom de BINDER qu'on obligera d'acheter lui-même les timbres qu'il revendait aux habitants, le bureau de Poste de Barr ayant oublié de lui en fournir !

Gare de Barr en 1864

L'agence de Poste HALMENSCHLAGER

Mais revenons au bureau de Poste situé dans les murs du Restaurant au Soleil du temps de Henri BIECHER. BIECHER fatigué, jettera l'éponge en juillet 1920. L'administration postale retint la candidature de Fernand HALMENSCHLAGER. Ancien mutilé de guerre, il avait perdu une jambe, jouissait d'une bonne réputation et maîtrisait la langue française. Propriétaire, il disposait d'une chambre susceptible d'être aménagée en agence postale.

La gestion de l'agence de poste de Monsieur HALMENSCHLAGER au n°229 de la rue Principale reviendra à sa mort en 1929 à sa veuve Joséphine et sa fille Edmée alors âgée de 23 ans. Pendant l'occupation, une enquête de l'administration allemande sera engagée à l'encontre de Joséphine et de son mari Edmond. Ils devront justifier de n'avoir aucun ancêtre d'origine juif. On ne comptera pas moins de 20 documents officiels pour l'autorisation d'exercer. Ils seront finalement rémunérés de 1128 Reichsmarks annuels. A la mort de Joséphine en 1950, son fils René reprendra la succession de l'agence.

 

A lire :

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.