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Napoléon BONAPARTE, tout le monde connait, Valff forcément beaucoup moins. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y aurait pourtant un rapport entre les deux !

Tout débute avec la vente par la commune du terrain de l'ancienne boulangerie banale démolie en 1844. Le terrain est situé en face du garage VOEGEL au n°201. Il fut acquit par Florent RUCH qui y construisit une auberge connue sous le nom de « Restaurant à la couronne ». Les problèmes débutèrent lorsque RUCH décida de construire une avancée sur la place contiguë avec la maison appartenant à la veuve Marguerite MOSER lui bouchant pour ainsi dire l'accès à sa cour (n°205 aujourd'hui).

Sur le plan de situation de 1843, il s'agit de l'ancienne boulangerie communale qui menaçait de ruine (n°1 maison à la commune). Elle fut acquise par Florent RUCH qui la transforma en auberge ... et en guerre de voisinage (voir l'article : Comme du bon pain ...). Sous le n°4 se situait la maison de Marguerite MOSER, fille de Jean-Michel JORDAN et de Marie-Anne SPECHT. Marguerite MOSER s'adressa donc à la commune pour se plaindre et revendiqua la petite parcelle de voie publique devant sa maison. Elle prétendit, sans preuves que son père Jean-Michel JORDAN avait jadis loué la parcelle à la commune puis l'aurait même acheté en 1820. La parcelle servait de parking à voiture.

C'est là que cette vulgaire histoire de voisinage dévoile un lien avec l'illustre Empereur des français : Napoléon BONAPARTE. Dans sa lettre de complaintes, Marguerite MOSER débute sa demande avec l'entrée en matière suivante : « Je soussignée Marguerite JORDAN, veuve d'un officier de l'ancien Empire, décoré sur le champ de bataille d'Austerlitz des mains même de l'Empereur Napoléon 1er, mais mort depuis à la suite de ses nombreuses et glorieuses blessures qui lui ont valu la Légion d'Honneur, a l'honneur de vous exposer très respectueusement ce qui suit ». Le différent s'enlisera dans des débats juridiques.

Mais intéressons-nous un peu plus à Joseph MOSER, son mari. François Joseph MOSER naît à Benfeld le 19 septembre 1778. Son père est cultivateur, originaire de Molsheim. Il s'engage dans l'Armée du Rhin le 24 Brumaire de l'An 7 de la République (14 novembre 1798). Il est transféré en 1800 au 12e Régiment de cavalerie de cuirassiers et sera nommé brigadier le 26 germinal de l'An 11 (16 avril 1803). Après avoir été promu Maréchal des Logis le 1er décembre 1806, il sera, le 14 mars de la même année, décoré personnellement par Napoléon BONAPARTE (himself !) pour sa bravoure à la bataille d'Austerlitz !

Le 22 décembre 1813, MOSER est promu sous-lieutenant après la bataille de Leipzig du 16 au 19 octobre. Cette nomination arrivera la veille de l'entrée des troupes allemandes en Alsace et la bataille de Sainte Croix en Plaine. La défaite française de Leipzig scellera la fin de la suprématie militaire de la Grande Armée de Napoléon et l'entrée des coalisés sur le sol français.

Démobilisé, MOSER se marie avec Marie Barbe REIBEL de Sermersheim en 1818. Elle lui donnera trois garçons : François Joseph, Florent Louis, et Louis Balthazar. Marie Barbe décédera subitement en 1826 à seulement 34 ans. Officier de réserve et veuf, il fait la rencontre de Marie Marguerite JORDAN. Il l'épousera dans l'église de Valff. Marie Marguerite est née ... en 1789 (un signe !). De cette union naîtrons une petite Marie Félicité et une petite Françoise. Cette dernière épousera un certain François Joseph RIEGLER et Marie Félicité s'unira à Florent SCHULTZ.

MOSER aura été de presque toutes les campagnes de l'Empire. Il participa aux batailles suivantes :

Joseph MOSER décédera à Benfeld des suites de ses blessures à l'âge de 53 ans le 2 janvier 1832.

A-t-il eu, avant de mourir, eu le temps de se remémorer ce moment inoubliable où l'Empereur l'a honoré à Austerlitz ? Et ces dernières paroles du discours adressé par Napoléon à ses soldats après la bataille : « Mon peuple vous verra avec joie et il vous suffira de dire "J'étais à la bataille d'Austerlitz" pour qu'on vous dise "Voilà un brave !" ». Ou se souvint-il du 14 mars 1807 où il reçu le document administratif de promotion de Chevalier de l'ordre de la Légion d'Honneur ? Il s'éteindra avec tous ses souvenirs. Sa veuve et ses deux enfants percevront une pension de 250 frs.

Marguerite quittera Benfeld et retournera dans son village natal accompagnée de ses deux filles. Les trois femmes, vivant de l'agriculture, resteront de nombreuses années seules dans leur maison à Valff et les filles finiront par se marier. Marguerite s'éteindra à l'âge de 79 ans après avoir vu sa fille Marie Félicitée décéder après seulement six ans de mariage. Marguerite avait auparavant recueilli deux des fils de Balthazar, fils de sa première union. Elle les verra également mourir tous les deux à Valff. Tel va la vie !