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Blessé à la bataille d'Eylau (Tableau d'Antoine Jean GROS)

L'empereur NAPOLÉON BONAPARTE, ses victoires, la retraite de Russie, son exil, les 100 jours, Waterloo, Sainte Hélène : voilà en une phrase de ce que l'on pourrait résumer trop sommairement sur le Premier Empire. Mais avec l'Empereur il y a aussi des destins d'hommes, blessés physiquement, psychiquement, moralement ou morts. La Grande Armée a connu ses moments de gloire mais aussi ses défaites. Parmi tous ces valeureux soldats, il y avait un garçon de Valff. Avons-nous la possibilité de découvrir qu'elle était sa vie 200 ans plus tard ?

L'armée a relevé des informations utiles sur ses recrues, surtout à partir du début du XIXe siècle. Le ministère des armées a mis à disposition des chercheurs, des listes des soldats enrôlés. Des passionnés ont commencé à lister ces relevés. C'est ainsi que le nom de FREYDER Augustin sort de l'anonymat. 

Augustin mesurait 1,76 mètre, avait des cheveux châtains et une mèche légère qui couvrait son front et son visage ovale.  Des yeux gris, un menton rond et un beau nez, des attributs séduisants qui ont dû séduire bien d'une jeune fille. Ce beau jeune homme faisait donc chavirer les cœurs. Mais voilà ! Augustin a tiré un numéro gagnant. Pas du loto mais celui du tirage: bon pour la conscription . Il est enrôlé le 13 fructidor de l'An X (31 août 1802), matricule 1479, dans le 1er bataillon du 2ème escadron de la 30e demi-brigade d'Infanterie de ligne. S'il avait tiré un numéro supérieur à 30 il aurait été exempté, mais le sort en a décidé autrement.

Finies les insouciantes journées baignées de soleil à confectionner des tissus avec son père François Antoine, tisserand. Finis les bons repas confectionnés par maman Catherine KRIEG. Il aurait pu poursuivre paisiblement sa jeune vie dans l'exploitation familiale si, Monsieur le Premier Consul Bonaparte, n'avait eu, soudainement, une envie pressante de porteurs de fusils pour réaliser ses ambitions de conquêtes . Personne ne se doute alors, mais de grandes ambitions d'expansions territoriales chatouillent notre futur Empereur.

Quelques années plus tard, le 8 février 1807, on retrouve notre modeste soldat Augustin au milieu de la bataille d'Eylau en Prusse Orientale (aujourd'hui Kalilingrad). En face, 70 000 Russes et Prussiens équipés de 400 canons. Les 65 000 français avec leurs 300 canons réussiront à défaire les troupes alliées. Les Russes et les Prussiens venaient à peine de subir les défaites d'Iéna, Auerstaedt et de Bennigsen. Mais c'est à l'arme blanche que se jouera la victoire à Eylau. On marchera dans le sang !  

La bataille du 8 février

Dès 7 heures du matin, les trois grandes batteries de l'armée russe pilonnent les positions françaises et le village d'Eylau où se trouve NAPOLÉON. La nuit avait été courte, les troupes avaient, ni mangé chaud, ni dormi . La neige tombe abondamment. A 9 heures, les belligérants engagent l'affrontement. Ca commence mal pour les français, une division française est décimée... Le 14ème Régiment d'Infanterie encerclé est anéanti sous les yeux de NAPOLÉON. Ce dernier voyant la défaite se préciser fait sonner la charge de la Garde Impériale. Ce sera la première fois que le Consul ordonnera leur participation au combat. Il est demandé à la Garde de ne pas tirer, mais de charger au corps à corps à la baïonnette. Les grenadiers du Général DORSENNE dont fait partie notre Valffois Augustin ainsi que les chasseurs à pied du Général DAHLMANN où combat un autre jeune de Valff Vincent WELCKER, stoppent la division russe après un titanesque corps à corps à l'arme blanche.

NAPOLÉON commande au Maréchal MURAT de faire donner maintenant la cavalerie. 12 000 cavaliers se jettent dans la bataille. Ce sera la plus grande charge de cavalerie de l'histoire. A la nuit tombante, les troupes russes sont à court de munitions et se replient. La victoire est française mais à quel prix ! Elle aura coûté la vie à 5 130 grognards et fera souffrir 24 400 blessés. On dénombre chez les alliés 9 000 morts et 20 000 blessés. Le sang rouge tranche si bien avec la neige blanche !

Le lendemain, le Général NEY s'exclamera en parcourant le champ de bataille : « Quel massacre ! Et tout cela pour rien ! ».

Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau (Tableau de Antoine Jean GROS, Musée du Louvre)

NAPOLÉON, très affecté par les pertes subies, errera 8 jours sur le champ de bataille pour superviser les secours . Il aurait déclaré : « Cette boucherie passera l'envie à tous les princes de la terre de faire la guerre ». Belles paroles, sans suites ! Quelque part au milieu de ce carnage, gémit un homme au milieu d'autres hommes, inconnus entremêlés, nationalités confondues, russes, français, prussiens... C'est Augustin. Les gémissements et la souffrance n'ont pas de nationalité. Quelque part entre des centaines d'autres souffrants, Vincent WELCKER, lui aussi blessé se fait soigner. Est-il au courant que son ami d'enfance Augustin est mourant ? Augustin agonisant est transporté le lendemain dans un hôpital de campagne. Rangé parmi les mourants et les déjà morts, son corps exsangue l'abandonne. On l'ensevelira anonyme dans une fosse commune au milieu d'amas de chairs, de chevaux crevés, de matériel détruit, de sang gelé et de neige salie.

Lors d'un recensement militaire, l'administration notera au sujet d'Augustin : « Sans nouvelles ». Il sera rayé des listes des vivants le 31 août. La famille ne sera jamais informée de sa mort. Sa mère attendra en vain : « Il est peut-être prisonnier et reviendra un jour ... ? », le déni d'une mère qui a souffert en le mettant au monde et qui refuse d'accepter sa disparition... Vincent Welcker, lui non plus ne reviendra au pays. Il mourra à l'hôpital d'Obrowitz en Moravie (république tchèque) le 28 octobre 1809, des suites de la fièvre.

En 1817, Joseph Casimir FREYDER, le frère d'Augustin, tirera le numéro 45. Mais la guerre et le bruit des canons ont cessé. Napoléon a été calmé à Ste Hélène. Joseph Casimir se mariera et fondera un foyer. Pas comme son frère Augustin a qui on n'aura pas donné cette chance. Son autre frère Cyprien, ébéniste, s'installera à Paris.

Aujourd'hui, quelque part en terre Lithuanienne, des plantes herbacées se nourrissent et fleurissent.

Sources :