Pourquoi ce titre ? Le grand Jules César aurait-il fait un passage à Valff ? Eh bien l'idée ne semble pas si farfelue qu'elle n'y parait. Explications.

Tout à commencé avec des recherches étymologiques sur l'origine du nom de « Valva » qui peut se traduire en latin par « porte, écluse, rebroussement, engorgement ». Latin dites-vous ? La première mention de ce nom date de l'an 660. Une des premières prononciations est Falabahu. L'Illustrata Celtica Romana Francia de SCHOEPFLIN de 1751 traduit cette dénomination par « Feu » pour Walabahu. Même si en latin le feu se traduit par igni et que phonétiquement Walabahu ressemble plus à Valhalla, le paradis des tributs nordiques on s'emmêle les pinceaux, ou les neurones.

A ce jour, aucune explication rationnelle n'est retenue. Presque tous les villages aux alentours se terminent par heim, house ou la terminaison en er  excepté Benfeld (Ehl), Sand (Helvetum), Epfig (Epiacum) qui sont connus pour avoir abrité une garnison romaine, tout comme Valff et Barr que l'on admet aux origines pré-romaines. C'est dans cette recherche que nous allons faire la découverte d'un article paru en 1898 dans Revue Catholique de l'Alsace, rédigé par L. GLOECKLER (curé et historien de Stotzheim entre 1879 et 1881). Il écrit (léger résumé du texte) à propos de la campagne de CÉSAR contre ARIOVISTE :

« Les nombreux fers à cheval de cavalerie gauloise que l'on trouvait par centaine à un ou deux pieds de profondeur dans les prés entre Zellwiller et Stotzheim témoignent qu'un combat de cavalerie avait eu lien en ces parages. J'en possède une quinzaine dont un avec tous ses clous qui ont des têtes semblables à un trait d'union long de 15 mm et large de 4. Secondé par deux enfants d'école, je me mis à mesurer le camp romain de César qui abritait six légions, d'après un ancien plan de Mr WINKLER et situé entre Epfig et Stotzheim. Depuis la porte droite jusqu'à la porte prétorienne, le camp est fort bien conservé dans les vignes. De la porte prétorienne à la porte gauche vers la route d'Epfig à St Pierre, le camp est moins visible à cause des champs mis en culture ».

A ce moment de la lecture, je me suis rappelé qu'enfant, alors que j'habitais dans la route Romaine, route menant de Stotzheim à Zellwiller, l'on nous avait raconté qu'un trésor était enfoui dans le monticule visible aujourd'hui de la 4 voies entre Stotzheim et Epfig (A35) ... comme quoi, parfois, dans les transmissions orales il n'y a pas de fumée sans feu !

Mais revenons à notre histoire. GLOECKLER poursuit avec le contexte historique. ARIOVISTE, chef d'une coalition germanique de la tribu des Suèves tenta de s'installer dans l'Est de la Gaule entre 75 et 58 avant JC. Il, contesta à CÉSAR le droit de s'immiscer dans ses affaires. ARIOVISTE rencontra CÉSAR et lui aurait dit : « Que désire César ? Pourquoi viendrait-il s'établir dans ses soi-disant possessions et dans sa Gaule ? Les Romains ont leur pays ... comme moi j'ai ici mon pays ». CÉSAR était alors gouverneur du Sud de la Gaule alors qu'ARIOVISTE s'attribuait en être le chef de l'Est. CÉSAR se serait contenté de préciser que le Rhin coule entre la Gaule et le pays des Nantuates, des Helvètes, des Séquanès, des Médiomatriciens, des Triboques et des Trevires, toutes des tribus germaniques. En gros : chacun de son côté !

 

ARIOVISTE franchit le Rhin et s'installa sur les hauteurs de Strasbourg. Derrière lui se préparent les chefs NASUA et CIMBER pour le rejoindre. CÉSAR remonte la Gaule par le Sud pour arrêter l'invasion, et après sept jours non interrompus de marche forcée son armée s'arrête sur les hauteur des collines qui séparent Epfig de Stotzheim. Mais arrêtons là les explications de GLOECKLER et examinons des récits plus récents et étayés par les récentes fouilles archéologiques.

Pierre JACOB, professeur d'histoire régionale à l'université populaire européenne de Strasbourg écrit : « Quand notre région est-elle entrée dans l’histoire ? Evidemment lorsqu'on commence à disposer de témoignages écrits. C’est vrai pour tous les peuples et toutes les cultures. On peut pourtant avancer une date précise : le 14 septembre de l’an 58 avant notre ère. Ce jour-là, au pied des Vosges, Jules César défaisait une armée deux fois plus nombreuse que la sienne, commandée par le redoutable Arioviste, chef des Suèves. En remportant cette victoire, il se débarrassait d’un concurrent : Arioviste visait lui aussi la conquête de la Gaule du Nord. César avait à présent les mains libres. La suite, tout le monde la connaît : la soumission des tribus gauloises, la révolte de Vercingétorix, sa défaite à Alesia ».

Pour une étude plus étendue et approfondie de la bataille suivez ce lien. Alors quel rapport peut-il y avoir entre César et Valff ? Pierre JACOB précise : « On sait aujourd'hui où passaient les limites entre tribus. A la hauteur de Zellwiller, César arrivait à la limite Nord du territoire des Séquanes. Le hameau qui se trouvait à l’emplacement de Bourgheim était déjà chez les Médiomatriques ». Donc Valva aussi ...

GLOECKLER cite le texte rédigé par César qui précise : « César écrit qu'après la bataille il ramena son armée chez les Séquanes (Zellwiller et Epfig) en ses quartiers d'hiver « in hiberna in Sequanos exercitum deduxit » donc la bataille a été livrée hors la Séquanes ». La bataille à été livrée et prolongée hors la Séquanie dans le pays des Médiomatriciens dont Bourgheim et Valff étaient la frontière Sud donc ! 

La bataille a été livrée et prolongée hors la Séquanie et d'après GLOECKLER par un passage entre Barr et Valff. dans le pays des Médiomatriciens dont Bourgheim et Valff seraient situés à la frontière Sud !

Le fait qu'une voie romaine dans le Blasiusfeld menant d'Est en Ouest longe le village en provenance d'Ehl via le Holzbad romain et témoigne d'une activité contemporaine. Un ancien lieu-dit dans ce Blasiusfeld porte le nom de Ohl ou Ehlstrass. Valva était-elle symboliquement une porte (valva en latin) au débouché du Rhin vers les Vosges à travers la forêt dense du Ried ? D'où l'origine de son nom ?

Le chemin menant de Westhouse à Valff n'était qu'un sentier jusqu'en 1581. Sous l'impulsion de Hans Friedrich von Stein, Seigneur de Westhouse, on construisit un pont sur l'Andlau et une route carrossable permettant enfin la circulation sans passer par le ban de Zellwiller. Naturellement on n'oublia pas d'y mettre un poste de péage. Déjà ... ! 

Nous nous avançons en conjectures mais les découvertes archéologiques confirment bien une présence militaire à Valff. Au XIX° siècle, on découvrit un casque romain dans une excavation de sable au lieu dit du Lotissement Sainte Odile. Quel soldat peut bien perdre son casque sans le remarquer ? Le lieu aurait-il donc reçu un nom particulier a cette époque qui a donné Valff par la suite ? Finalement quelle importance ! Quoi qu'il en soit, sur ce ... rêvons !

Avé César ! Les habitants de l'ancien hameau de Valva te saluent !

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.