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Procès verbal d'installation comme maire de François Etienne Xavier ANDRES le 30 avril 1861

Cela pourrait être le titre du dernier film western à la mode de Valff. Synopsis : d'un côté le Sheriff François Etienne Xavier ANDRES, maire, et de l'autre le curé de Valff. C'est l'heure du règlement de comptes à O.K. Corall-Valff.

De quoi s'agit-il ?

Nous avons découvert un manuscrit, sans date, avec heureusement, une information capitale : le nom de l'auteur. Elle émane du maire François Xavier ANDRES, élu entre 1861 à 1884 [en savoir plus : Maires et adjoints depuis 1788]. La lettre est adressée « à Sa Grandeur, Monseigneur RAESS, Evêque de Strasbourg (1794-1887) ». ANDRES s'adresse à l'évêque pour demander audience, que ce dernier lui avait déjà refusé auparavant, afin de pouvoir débattre d'un litige qui l'oppose au curé de Valff. Le nom du prêtre n'est pas mentionné mais vu l'absence de date, il pourrait s'agir soit de Aloïse LEYBACH, Phillipe RIEFFEL ou Mathias DIPPICH ; tous trois ont exercé avant la mort de l'évêque.

Mais revenons à notre lettre. Ce qui fait l'intérêt du manuscrit est son contenu. Le charme du texte et le choix des mots, les tournures de phrases communes de cette époque, émanant d'une rhétorique presque poétique. Elle débute par la formule de politesse :

« Mon Seigneur,

Après avoir épuisé tous les moyens de conciliation pour mettre fin avec Monsieur le curé de Valff concernant le soi-disant scandale et désordre que j'aurai commis à l'église qui m'ont valu un procès verbal et une condamnation par simple police, sans que j'ai pu prouver mon innocence, et après m'être infructueusement adressé à Vous, chef suprême et Juge du Diocèse, je réitère ma demande a obtenir, soit une audience de votre Grandeur, soit pouvoir m'expliquer verbalement, soit pouvoir me justifier des manières d'agir incessantes et provocatrices de notre curé ».

Voilà, le tableau est dépeint. Dans la suite du courrier, il met en avant le rôle important des qualités chrétiennes requises d'un bon catholique.

« J'aurais patiemment et en bon catholique supporté toutes les avaries provenant de cette exécrable aventure, si l'on y mettait un terme en cercle privé, mais ce qui est plus blâmable, c'est que [ le curé expose le litige] en pleine chaire, lieu sacré et exclusivement destiné à l'instruction des fidèles, que le curé abuse par des profanations pour y débiter des discours allégoriques à mon égard, il continue méchamment à me déchirer à belles dents en saillies obscènes peu dignes d'un simple mortel, moins encore d'un disciple de Jésus-Christ. Il m'est impossible d'avaler à l'infini ces opprobres ».

« Si vous, Monseigneur l'Evêque, vous persistez dans votre refus à m'accorder la faveur de l'audience, trois ou quatre fois réclamée, je me verrai à mon grand regret, contraint d'adresser une plainte en diffamation à la justice civile. Monseigneur, en qualité de bon catholique et fervent chrétien, je ne demande que vérité, justice et réconciliation, et si Mr le curé craint la vérité et la justice et qu'il se refuse à la conciliation, ma religion me contraint de le considérer comme un mauvais catholique. Il me sera donc impossible d'accepter ce mauvais catholique pour mon pasteur. Il m'a causé dommage en honneur et en argent et accordé ni pardon devant Dieu. Dieu est la Vérité et la Justice et je pense avoir droit à la justice aussi bien que tout autre. Celui qui est capable de demander une punition pour son frère est aussi capable d'avancer de fausses raisons pour se disculper. 

Dans l'attente d'une solution à l'amiable, veuillez, Monseigneur, agréer les sentiments de vénération de votre très humble et très obéissant serviteur

Xavier ANDRES »

Malheureusement on ne connait pas les vrais griefs reprochés à Xavier ANDRES. Rien, dans les délibérations pendant son mandat, ne laisse supposer une quelconque animosité envers un curé local. Au contraire, la commune a toujours voté en faveur de l'église. A part en 1866, l'adjonction du jardin du presbytère qui servirait à agrandir le domaine de l'école et la construction de nouveaux bâtiments fait débat. Sur ce terrain se trouve la buanderie du curé. Le terrain en question est l'actuelle cour d'école. En date du 12 août, le secrétaire note que les discussions au sujet de la construction de la nouvelle école agitent de plus en plus la communauté. Le maire propose même, pour favoriser le projet, de vendre à la commune un terrain lui appartenant, cela aussi fait jaser. Les parents avancent le grief que le village est long d'un kilomètre et que le trajet en partant des extrémités est trop long pour les petits pieds des écoliers. En 1868 le projet est ajourné. 7 février 1969 le terrain du maire est vendu à la commune et le jardin du curé annexé. Est-ce cela qui a mis le feu aux poudres entre le curé et le maire ? 

Lettre de Xavier ANDRES à l'évêque RAESS de Strasbourg

François Xavier ANDRES 

Fils d'Etienne et de Marie Françoise JORDAN. Il nait le 10 janvier 1821. Son père était maire de Valff entre 1816 et 1825 qui décéda prématurément à 45 ans. Xavier épousera en première noce Geneviève RAUEL qui mourra brutalement à 26 ans et qui lui donnera une fille qui vivra deux ans. Sa mère Marie Françoise JORDAN partira l'année suivante, trois décès en trois ans. Xavier se remariera 10 ans plus-tard avec Marie Anne SPECHT. Il habitait au n°103 de l'époque. En 1885, il est recensé habitant au n°138. Marie SPECHT lui donnera une fille appelée Marie Anne comme le prénom de sa demi-soeur décédée. N'ayant pas d'héritier mâle, ses biens reviendront à la famille de sa mère, la famille JORDAN.

Maison à colombage avec le n°103 à droite en 1921

A gauche au n°138, ancienne maison de la famille JORDAN où habitait Xavier ANDRES en 1891

Source : Archives privées 

Crédit photos : Collection Antoine MULLER