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Cimetière Israélite de Rosenwiller

Aimeriez-vous, par curiosité, remonter le temps et entrer à l'intérieur d'une maison en 1700 ? C'est virtuellement possible grâce aux actes notariés qui relevaient les biens à partager pour les héritiers d'un défunt.

La première mention d'un résident juif à Valff remonte à 1614 (voir l'article : Les actes notariés : une mine d'informations). En 1689 une quarantaine de juifs habitent le village.

Signatures des participants au partage des biens de Joseph le juif

17 mars 1720

Entrons maintenant dans l'intimité du défunt Joseph, juif de Valff. Le partage se distribue entre sa veuve Zibert et les filles Zeisle et Chaien de Sara sa fille décédée issue de la première union et Nännel et Reizel, filles de Zibert sa deuxième fille de la première union également morte. Le partage est supervisé par le Schultheis de Valff Blaise HIRTZ. Suite au testament fait à Colmar, la  veuve pourra garder les meubles et le mobilier qu'elle possédait avant son union avec en plus un équivalent de mobilier à concurrence d'une valeur de 100 Reichstahler, valeur de Strasbourg et de lingerie d'une valeur de 20 Reichtahler ainsi que l'usufruit de la maison aussi longtemps qu'elle resterait dans l'état de veuve. En plus de cette somme, Joseph sur son lit de mort et dans un ultime élan de générosité aurait murmuré devant témoins que le lit dans lequel il mourra, linge compris, reviendrait à sa veuve. Merci Joseph !

Voyons maintenant la maison. D'après la description, elle est bâtie avec sur le devant, la rue, vers le haut du village (Oberseits) à côté d'Alexandre et Elias les deux gendres, vers le bas (Niederseits) la maison d'Andres LUTZ, avec verger et jardin sur l'arrière. Malheureusement ces quelques détails ne nous permettent pas de situer exactement le lieu. Sur son lit de mort, Joseph aurait également mentionné une part d'héritage de la maison à l'attention du fils décédé en bas âge d'Alexandre et de sa fille Sara. Belle attention pour cet homme qui aurait manifestement désiré, avant de mourir, partager ses biens ... pour la paix et la justice. Et comme c'est souvent le cas dans un partage ... ce sera la guerre !

Elias n'est pas d'accord ! Mais alors pas d'accord du tout ! La maison sera partagée en deux parts égales et c'est tout ! C'est quoi cette histoire de léguer une part à un enfant mort. Alexandre avance que c'était la volonté du défunt avant de trépasser et assure pouvoir faire attester des témoins. Qu'il en soit ainsi rétorque Elias. On réglera l'affaire devant un juge et la famille se sépare fâchée. Merci Joseph !

21 juin 1720

La justice tranche. La maison sera partagée en deux parts égales au motif que l'ancien testament ne mentionnait pas cette clause pour le fils d'Alexandre. Après cette affaire, le partage du reste des affaires sera un pur bonheur. La majorité des lots sera tirée aux sorts. Le Schultheis HIRTZ servira d'arbitre, le greffier BUNTZ de témoin.

Par rapport aux partages courants à Valff à cette époque, Joseph semblait relativement aisé. Or, argent et mobiliers n'étaient pas si courant dans les partages des familles chrétiennes. En contre-parties elles possédaient, contrairement aux juifs, un certain cheptel d'animaux et de terres. Mais le partage précédent est trompeur... suit aussi une liste d'une vingtaine de créditeurs chez qui Joseph avait des dettes. Joseph repose aujourd'hui au cimetière israélite de Rosenwiller et ... ses héritiers aussi !

Nota :