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L'Alsacien Raymond FISCHER, auteur du livre « 325 jours avec les Spahis de Leclerc » retrace le déroulement des combats qui eurent lieu entre Valff et Westhouse le mercredi 29 novembre 1944.

Mouvement ... avec le 6e escadron du capitaine KOCHANOWSKI. A partir d'Obernai, nous nous dirigeons vers Valff et nous nous enlisons pour la troisième fois. L'inondation est totale et les chemins recouverts par un gigantesque plan d'eau, au point d'avoir du mal à reconnaître les limites non bornées de la route.

Nous sommes canalisés entre trois étroites bandes de terrain : l'une, la plus à l'Est, entre le Rhin et le canal du Rhône au Rhin ; l'autre entre le canal de l'Ill ; la troisième entre l'Ill et la lisière des Vosges, celle précisément où nous nous trouvons. Les ponts ont tous sautés, même ceux qui enjambent les ruisseaux de la plaine. Sous le feu, pendant que l'artillerie ennemie assomme la campagne, le Génie rétablit un pont après l'autre et démine patiemment. Il répare jour après jour, inlassablement, avec le courage désormais légendaire qui le caractérise, engage forcément dans l'action avant nous et souvent peu protégé des tirs ennemis. Tout droit, sans manoeuvre possible, les chars et l'infanterie prennent les villages. Ce n'est pas une partie facile et le char de tête est parfois sacrifié. Nous devons effectuer une reconnaissance sur Westhouse. L'opération n'est pas sans danger. Il nous faudra passer à découvert la plaine, sur un sol trempé, puis atteindre un bois, point de départ à l'élan qui nous mènera jusqu'à Westhouse.

Au 6e escadron constitué essentiellement de troupes d'infanterie portée, sont venus se joindre des blindés fournis par deux pelotons du 4e escadron emmenés par le commandant Horace SAVELLI, ainsi que des éléments du 7e escadron. C'est parmi ces derniers qu'on relève le plus de blessés.

Retardés par les ponts sur l'Andlau qui sont tous détruits, nous ne nous attendions pas à une telle réception : un violent et intense tir de 105 mm nous arrête en plein champs, laissant chez nous deux morts et des blessés que nous expédions le mieux et le plus vite possible à l'arrière. Tout cela s'est fait en un quart d'heure. Pas rassurés du tout, on évalue intensément la distance qui nous sépare encore du bois de Westhouse. Un seul obus peut mettre un terme à notre course. L'orée du bois est enfin atteinte ... KOCHA disperse aussi-têt les blindés à l'abri des arbres, à la lisière du bois, avant de donner l'assaut sur le bourg de Westhouse.

Par petits groupes, des Allemands sortent du bois, tentent de rejoindre Westhouse et sont faits prisonniers. Dans le bois même le bombardement continue avec les 88 et 105 mm. Et soudain nous découvrons le risque mortel qui nous menace ... dans le bois sont entassées des caisses de munitions que les Allemands n'ont pas emmenées avec eux dans leur retraite ! C'était inévitable, quelques uns de ces dépôts sont atteints par les obus, explosent dans un vacarme étourdissant et touchent les arbres avoisinants, dont certains se mettent à cramer. Deux spahis sont assez sévèrement blessés par éclats. Le commandant SAVELLI fut blessé. Avant de partir chez le médecin il ordonne de suspendre toute opération jusqu'à nouvel ordre.

L'après-midi est fort avancé lorsque j'atteints l'endroit qui m'a été assigné, à l'autre lisière de la forêt. Arrivé à la pointe d'une colline je découvre le village de Westhouse. Pas d'ennemie en vue. La nuit approche. C'est un feu croisé d'artillerie que les deux camps échangent par-dessus nos têtes. Feu d'artifice en pleine nuit, grandiose et atterrant à la fois : dans les bois on distingue les feuilles mortes, les troncs d'arbres et la terre parés d'un éclairage surnaturel. Les Allemands ajoutent aux nôtres leurs fusées éclairantes, et c'est, maintenant, sur Westhouse un écran de lumière habillé de mille couleurs.

Pendant ce temps la patrouille est revenue. Le capitaine KOCHANOWSKI, plus prudent qu'à l'accoutumée, estime qu'une attaque sur le village de Westhouse ce soir comporterait trop de risques. Pendant que nous revenons à Valff tard le soir, KOCHA pourtant refusant de ne pas aller jusqu'au bout de l'action, restera avec un peloton de Marocains dans une ferme à quelques centaines de mètres de Westhouse (Holtzbad). Une heure plus tard, trop isolé et menacé, il reviendra à Valff, laissant la ferme vide sous les obus et les flammes.

Le capitaine de BOISSIEU a donné l'ordre de repli jusqu'à Valff et prescrit de détruire au canon les dépôts qui n'ont pas sauté. L'un de ceux-ci, piégé, a causé la mort du sous-officier du Génie Georges LESTOCARD et des blessures à deux Sapeurs.

Extrait du « Journal de Marche du 6e escadron »