Avant-propos

« L'Histoire est écrite par les vainqueurs » disait Robert BRASILLACH. L’objet de cet article est de s'intéresser aux perdants de la guerre et en particulier aux 14 soldats allemands décédés à Valff lors des combats des 27 et 28 novembre 1944, dont on ne sait finalement pas grand chose ! [nota : du fait du manque d’informations, les mentions signalées entre crochets sont des commentaires de l'auteur et font l’objet de suppositions, dans l'attente de nouveaux éléments pour étayer ces thèses].

Contexte

Depuis le débarquement de Normandie le 6 juin 1944, et du 15 août en Provence, puis la jonction le 11 septembre de ces deux têtes de ponts, les alliées libèrent petit à petit la France et s'approchent de l'Alsace. Paris est libérée le 25 août 1944, Belfort le 20 novembre. A cette date, les alliées atteignent les Vosges et préparent à se lancer à l'assaut de l'Alsace annexée depuis 1940 par l'Allemagne nazie.

En face, l'armée allemande aligne la 19e Armée (commandée par le Général der Infanterie Friedrich WIESE jusqu'au 15 décembre 1944) qui tient quasiment toute l'Alsace. Au 26 novembre, cette unité est subdivisée en 3 « Armeekorps », parmi lesquels, le LXIV. Armeekorps (qui tient alors le secteur de Strasbourg à Sélestat, et donc Valff !). Celui-ci est composé de seulement 2 divisions : 708. Volks-Grenadier-Division (qui va nous intéresser tout particulièrement !), 716. Infanterie-Division (auquel est rattachée la StuG Brigade 280, partiellement engagée à Barr le 26 novembre 1944), plus des unités diverses non endivisionnées. Rappel : une division allemande compte théoriquement 15 000 hommes, plutôt 9 000 à la fin de la guerre.


Front au 29 novembre 1944 repérant les différentes unités allemandes. Valff est alors déjà libérée.

La 708e Volksgrenadier-Division

C'est théoriquement des éléments de cette unité qui sont déployés à Valff fin novembre, ce que nous chercherons à démontrer dans les lignes qui viennent.

Les « Volksgrenadier-Division » (abrégé VGD) sont des divisions d'infanterie légères crées à la fin de la guerre et destinées au combat défensif «  de contact ». La 708. VGD est formée en septembre 1944 à partir des restes d'autres unités (à l'origine 708. Infanterie Division), auxquels s'ajoutent des personnels issus de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine, la Heer (armée de terre) n'ayant elle-même plus aucune réserve d'hommes à incorporer. La division est très faible (compte seulement 3200 hommes contre 10 000 théoriquement), le moral des effectifs est bas. Après un entraînement correct, elle arrive le 10 novembre 1944 dans les Vosges et est balayée moins de 10 jours plus tard par l'offensive alliée qui va percer jusqu'à Strasbourg, libérée le 24 novembre. La 708. VGD manque de peu de se faire encercler et finit par arriver le 25 au Sud de Strasbourg, tenant le front allant du canal du Rhône-au Rhin jusqu'à Barr. Son personnel est alors exténué par plus de 10 jours de repli incessant devant la percée alliée.

Les autres unités à proximité

Lors de la libération de Zellwiller le 28 novembre, Jacques SALBAING signale des soviétiques incorporés dans l'armée allemande, originaires du Kouban (au Sud de la Russie) et armés d'armes russes. Il s'agit probablement du Kosaken-Regiment 5, intégré en tant que "Heerestruppen" (unité indépendante non endivisionnée) au sein du LXIV. Armeekorps, tout comme d'autres unités de volontaires de l'Est : « Ost-Reiter Regiment 454 et 403 », « Ost-Bataillon 864 », « Georgisches Bataillon 798 ». Depuis 1942, les unités de cosaques sont alliés aux nazis pour combattre les communistes. Ces unités sont composées à l'origine de volontaires soviétiques fanatisés et expérimentés, mais sont aussi régulièrement renforcées d'incorporés de forces et de prisonniers provenant de divers pays de l'Est, donnant des unités assez hétéroclites. Ces unités non endivisionnées sont difficiles à tracer, car engagées au gré des besoin directement par ordre du corps d'armée. 

Dans cette catégorie, citons aussi la Panzer-Brigade 106 « Feldherrnhalle », brigade blindée autonome arrivant en train à Barr le dimanche 26 novembre vers 22h. Renforcées du Sturmbataillon AOK19 « Bittermann » [d'après des sources barroises, aucune autre mention retrouvée] et d'éléments de la 716e ID avec la StuG. Brigade 280 (unité de canons automoteurs StuG), ils mèneront un combat acharné à Barr. On peut noter des éléments disparates, de diverses origines, assemblés « ad hoc » pour cette mission de défense de Barr.

A l'Ouest du dispositif, de Dambach à Bergheim : la 716e Infanterie Division. A l'arrière du front : aucune réserve !

A ces unités, ajoutons un apport très importants d'auxiliaires issus du Volkssturm (« la tempête du peuple ») ; dernière tentative allemande illusoire de levée toute une armée pour espérer inverser le cours de la guerre, en mobilisant tous les hommes de 16 à 60 ans afin de suppléer l'armée, mais sans réussir ni à les armer correctement ni même à tous les vêtir d'uniformes. Fin novembre, la 19e Armée engagée en Alsace est ainsi renforcée par l'équivalent de 27 bataillons du Volkssturm venant de Baden-Württemberg.


Levée d'hommes pour le Volkssturm. Faute d'équipements, les hommes sont équipés de fusils de la 1ère guerre mondiale et portent des habits civils avec un simple brassard en guise d'identification. Un policier a quant à lui conservé son uniforme; tout comme les policiers engagés à Valff ? - Prusse orientale, Octobre 1944, Bundesarchiv

Les événements du 21 au 26 novembre 1944: le point de vue allemand

Le 21 novembre, des unités allemandes stationnent à Valff (les valffois signalent la 708e Infanterie Divison, comprendre : 708. VGD – voir présentation précédemment). L'unité est renforcée « d'éléments de police et gendarmerie » qui auraient passé le bac à Neuf-Brisach [nota : il est très probable qu'il s'agit là d'unités de la Volkssturm, comme nous le détaillerons plus loin]. Trois chars du type Panzer IV, ainsi que des canons stationnent dans des cours du village [unité inconnue, peut être la Panzerbrigade 106 « Feldherrnhalle » engagée à Barr au même moment].

Le 24 novembre, on signale jusqu'à 200 soldats de la Waffen-SS, venant de Niedernai [à ce jour, aucune mention n'a pu être retrouvée d'unités de Waffen SS engagées en Alsace centrale à ce moment. Hypothèse : qu'il s'agisse d'une compagnie du Sturmbataillon AOK19, un bataillon d'élite de la Heer, engagé à Barr, à ce moment, ses membres sont décrits comme « fanatisés » et portent la tenue de camouflage « Leopard », également utilisée par les troupes de la Waffen-SS. Assez d'éléments donc pour les confondre].

De même, on évoque la présence de soldats du Heeres-Gebirgsjäger-Bataillon 202. unité de la 19e Armée [attention : là aussi, aucune source militaire n'a pu étayer ces témoignages de valffois, ce bataillon étant théoriquement engagé au même moment dans les Hautes Vosges].

Lundi 27 novembre 1944

Alors que les chars américains entrent dans le village en provenance d'Obernai, et remontent la rue principale, au niveau de l'actuelle rue du Vignoble, un soldat allemand jaillit alors et détruit d'un coup de Panzerfaust le premier char américain. Le tireur fût tué immédiatement après sur le lieu du tir par la riposte des autres chars. Et pour cause, le Panzerfaust, petit lance-grenade sans-recul mono-coup, a une portée maximale de 150m, 90m, 60m ou parfois seulement 30m (!) selon le modèle, laissant le tireur, bien téméraire de s'opposer à un char à une distance si proche, exposé à toute riposte.


Mannequin portant une tenue typique de l'armée allemande de fin de guerre, avec un Panzerfaust dans sa main gauche – Musée de la Poche de Colmar, Turckheim, photo de l'auteur

D'après Mme Lise POMMOIS (historienne de l'armée américaine), «à l'entrée du village, des soldats [allemands] tirèrent sur le char de McCaulet, mais il riposta avec sa mitrailleuse. En arrivant à la lisière du village [route de Zellwiller], à un virage, il vit un barrage de soldats allemand. [fit feu au canon, puis à la mitrailleuse, la « tête » allemande revenant sans cesse] – Mc Cauley s'arrêta et alla voir ; dans un fossé il vit 4 Allemands morts ». [voir plus loin pour le détail de l'identité des soldats tombés].

Le même jour, plusieurs soldats allemands, cachés dans des caves à Valff, se rendent sans combattre, Le moral est bas. On raconte même localement l'anecdote d'un soldat allemand qui errait dans la rue Principale cherchant à entrer dans une cave pour s'y abriter, mais trouvait chaque maison fermée à clé  ! Des FFI de Valff gardent des prisonniers allemands à l'école, mais dans la soirée, les américains se replient, les allemands reviennent à Valff sans combat, les prisonniers relâchés repartent libres vers Zellwiller.

Mardi 28 novembre 1944

Vers 10h, des soldats allemands sont bel et bien de retours. Peu après, des chars de la 2ème DB française arrivent à Valff et se heurtent à des fantassins allemands, équipés d'armes légères. A 200m du pont de la Kirneck, en direction de Zellwiller, 9 soldats allemands sont pris en enfilade par les chars Sherman et abattus. Une autre source dit qu'ils « se repliaient vers Zellwiller », quasiment au même endroit que les 4 soldats tués la veille. Pierre HUNTER signale « il me semble que c'étaient des gendarmes militaires », chose confirmée par la liste des tués présentée ci-après : 8 des 9 tués étaient des policiers. Selon le témoignage de Jacques SALBAING (chef de section d'infanterie de Marine) le 9ème était un officier de la Heer [voir plus loin pour le détail de l'identité des soldats tombés].

L'essentiel des combats se situe donc vers la sortie du village, en direction de Zellwiller, les allemands s'étant réfugiés derrière des tas de betteraves, une longue fusillade s'en suit. Après la destruction d'un véhicule léger allemand, et l'entrée en action de mortiers français [et probablement aussi le décès du lieutenant qui commandait cette section] « (...) les allemands ont cessé le combat et se sont rendus. Une trentaine sortent de leurs trous dans le champs de betteraves » signale Pierre HUNTER, ancien du 40e RANA. « Vieux, fatigués, portant les uniformes foncés de la Luftwaffe, une plaque de métal suspendue au cou. C'était des membres de la Police de l'air, à qui l'armée avait précipitamment donné un fusil, et qu'elle avait incorporée dans une unité combattante » signale Jacques SALBAING.

En outre, plus d'une cinquantaine de soldats allemands, cachés dans des caves, se rendent aux français, sans avoir combattu. Les prisonniers allemands sont regroupés à l'école des filles, puis escortés par des FFI vers Obernai.


Une colonne de prisonniers allemands est dirigée vers l'arrière de la Division, croisant des véhicules de la 2ème DB montant au front. Ils sont escortés par des FFI. Photo prise fin novembre 1944 quelque part en Alsace centrale, à proximité de Valff ? - archives de la 2ème DB M. Cazeneuve

Valff est libérée, mais toujours soumise à des tirs d'artillerie allemand, jusqu'à la libération de Zellwiller où les allemands, menés par une unité de volontaires soviétiques fanatisés s'étaient retranchés. [probablement du Kosaken-Regiment 5, voir plus loin]

L'analyse des événements

Les allemands emploient à Valff une tactique « classique » de fin de guerre : disposer d'éléments d'infanterie légère en 1ère ligne à la fois pour donner l'alerte et surtout retarder l'ennemi (ponts détruits, guerilla, minages, …) jusqu'à ce que les éléments de 2ème ligne (canons, artillerie, chars) puissent aligner l'ennemi ou contre-attaquer (d'après Keith E. Bonn, When the odds were even, The Vosges Mountains Campaign). Les Volksgrenadier-Division sont exactement pensées pour ce genre d'usage : combat défensif à la limite de « sacrifice « . Cela correspond assez bien à ce qui se déroule à Valff et Zellwiller, où étaient retranchés d'importants effectifs avec 1 char, 1 canon de 88mm et 3 de 47mm, placés dans le Bruchweg, mais avec sans efficacité du fait du peu de combativité des troupes allemandes : en tout plus d'une soixantaine de soldats se sont rendus sans combattre, montrant clairement une unité démoralisée.

Les unités qui combattent sont totalement mixées, assemblées "ad hoc" pour tenter de défendre fanatiquement une cible précise. Nous retrouvons probablement côtes à côtes des hommes du 708. VGD, des éléments du Kosaken-Regiment 5 (présent en masse à Zellwiller) et des hommes du Volkssturm. 

Les soldats allemands tués à Valff

Les registres font apparaître 14 soldats allemands enterrés à Valff le 28 novembre 1944, dans le cimetière communal. Comme expliqué précédemment, 5 sont décédés le 27 novembre et 9 le 28 novembre. A cause des combats, l'enterrement le jour même fût impossible. Problème : tous les registres donnent donc comme date de décès le 28/11 ce qui est faux. Ce n'est que par  récits de témoins oculaires et par élimination que nous pouvons identifier les victimes de chacune de ces journées. Le récit de Antoine MULLER publié à l'occasion du 70ème anniversaire de la libération donne quant à lui d'autres dates de décès que nous mentionnons aussi ici entre parenthèse.

Pour le lundi 27 novembre 1944

  • Matthias JONAS (20/02/1905 à Bonnwarth – 27/11/1944 à Valff) – Obergefreiter (caporal chef)

Comme pour tous les soldats, est indiqué sur sa plaque d'identification l'unité d'incorporation et non l'unité actuelle. Dans son cas, il s'agit du L W Bau.Bat. 5 XIII, comprendre : Luftwaffe Bau Bataillon numéro 5 de la Luftgau ("zone air") numéro 13 = il appartient au génie de l'air, unité chargée de l'entretien et construction des bases aériennes. Cette unité est dissoute en 1942, date à laquelle il a donc forcément changé d'unité. En effet, la Luftwaffe réduit ses effectifs au strict nécessaire, le reste du personnel est envoyé au front ; Les "Bau Bataillons" deviennent d'office des unités de "Luftwaffe pionere", employées dans des missions de génie de combat [Il est probable qu'il appartienne au 708. VGD car comme expliqué, cette unité incorpore beaucoup de personnel issu de la Luftwaffe].

  • Alexandre KOLODJASCHNJ (15/09/1924 – 27/11/1944) – Kosak (équivalent au grade de soldat) - polonais (d'après les archives de Valff)

Les registres de la mairie de Valff indiquent "corps retrouvé au fossé Jordan", comprendre le fossé le long de l'actuelle D215 en direction de Zellwiller. Son "Soldatenbuch" indique qu'il appartient au Kos. Stamm Rgt Strbs Abt. comprendre Kosaken Stamm Regiment ! (régiment de cosaques)

[L'abréviation Strbs n'a pu être identifié, il s'agirait peut être d'une faute de frappe, lire probablement Stabs Abteilung, comprendre compagnie de commandement et de logistique (dans la Wehrmacht aussi cette compagnie assure aussi les missions sanitaires, de formation, d'administration). Dans ce cas précis, il s'agit probablement d'un membre du Kosaken Regiment 5. Antoine MULLER situe quant à lui son décès le 28/11]

  • Rupert ROSENLECHNER (27/06/1926 – 27/11/1944 – il avait donc tout juste 18 ans) – matelot (oui, un marin, à Valff !)

Il est signalé comme originaire de Vigaun où réside également sa mère (province de Hallen, Land de Salzburg, actuelle Autriche, alors annexée par l'Allemagne nazie). Il a été incorporé dans la Kriegsmarine l'année même (son numéro de matricule étant le 55703/44 – le chiffre 44 indiquant l'année d'incorporation 1944).

[Comme expliqué, faute d'effectif, l'armée de terre (et en particulier la 708. VGD) va récupérer du personnel des autres armes, ici la Kriegsmarine : marins, mais aussi officiers, décrits comme très expérimentés (comme marins... mais absolument pas pour le combat d'infanterie !). Antoine MULLER situe quant à lui son décès le 28/11 - attention, une faute d'orthographe ante les archives valffoises et est couramment reprise, mais le prénom de la victime "Rupert" s'écrit avec un seul "P" !]

  • Matelot inconnu (… - 27/11/1944)

Un autre matelot, au nom toujours inconnu, matricule 11671/44 est aussi décédé à Valff.

[Egalement incorporé en 1944 d'après son matricule, il est très probable qu'il appartienne, tout comme Rupert ROSENLECHNER également à la classe d'âge 1926, mobilisée en 1944]

  • Soldat inconnu (… - 27/11/1944)

N'est que mentionné son unité d'origine (mais pas son unité d'affectation en novembre 1944), à savoir : 1 St.Kp./Kw. Trsp. E.u.A. Abt. 15, comprendre : 1. Stammkompagnie, Kraftwagen-Transport-Ersatz- und Ausbildungs-Abteilung 15. qui peut être traduit par : 1ere compagnie de formation initiale, unité de formation et de réserve de transport automobile où il a probablement eu une formation de chauffeur.

[Aucune autre indication, à quel grade ? Et pour quelle affectation en unité ultérieurement ? Autant de mystères ...]

A Valff, un « Soldatenbuch » d'un soldat nommé Karl HOFMANN a été retrouvé et confié aux militaires. En 1949, le ministère des anciens combattants et victimes de guerre interroge d'ailleurs la mairie pour savoir si ce « Soldatenbuch » appartient à un soldat décédé à Valff. Mystère pour tous. Mais il pourrait bien s'agir de l'un de ces soldat inconnu.

Pour le mardi 28 novembre 1944

  • Josef KNIES (Geseke, Rhénanie-du-Nord-Westphalie 09/05/1915 – 28/11/1944) - Lieutenant de réserve [ou capitaine d'après une source ?]

Plus haut gradé allemand tué à Valff. Il dirigeait le 28 novembre la section allemande qui résista à l'avance alliée (soit une trentaine d'hommes qui se constitueront prisonniers après une fusillade entre Zellwiller et Valff, ainsi que 8 policiers tués à ses côtés). Incorporé à l'origine à la 2e Compagnie de l'Infanterie Ersatz Bataillon 317, on sait ensuite qu'il sert de juillet 1944 au moins jusqu'à fin octobre 1944 au sein de la 1ere compagnie du Panzer-Feldersatz-Bataillon 200 (unité de la 21e Panzer-Division), où il glane plusieurs décorations.

[Un article plus détaillé lui sera consacré, où nous expliqueront qu'il appartient probablement lui aussi à la 708. VGD au moment de son engagement à Valff].

Sont décédés à ses côtés 8 hommes dont au moins 7 sont policiers portant cet uniforme :

  • Stephan WIMMER (23/11/1901 à Au – 28/11/1944) - (Vw Stuttgart) – Oberwachtchmeister der Polizei (adjudant-chef de police)
  • Edmung MÜGLER (14/10/1901 à Oelnitz – 28/11/1944) - (Vw Stuttgart) – Wachmeister der Polizei (caporal de police)
  • Paul ESSLINGER (30/09/1901à Kirchberg a/Murr – 28/11/1944) - (2/Pol. 20 = 2e compagnie du 20e Bataillon de Police) – Wachmeister der Polizei (caporal de police)
  • Wladislaus NADOLSKY (15.09.1901 à Gleiwitz (actuelle Pologne sus le nom de Gliwice) – 28/11/1944) - (Vw Stuttgart) – Wachmeister der Polizei (caporal de police). Antoine MULLER situe quant à lui son décès le 27 novembre comme étant le tireur anti-char, or d'après le témoignage de Pierre HUNTER, les victimes du 28 étaient des policiers mené par un officier, et d'après des valffois, le tireur de l'anti-char du 27 novembre était un jeune de 18 ans ce qui contredirait cette théorie
  • Schilling WILHELM (11/11/1901 à Möhringen/Filder – 28/11/1944) - (Vw Stuttgart) – Wachmeister der Schutzpolizei (caporal de police)
  • Soldat inconnu (… - 28/11/1944) - groupe sanguin O– (VW Stuttgart), policier
  • Soldat inconnu ( … - 28/11/1944) - groupe sanguin A – (VW Stuttgart), policier
  • Wilhelm WACKER (07/06/1879 à Engelsbrand – 28/11/1944) - Hauptwachmeister – originaire de Stuttgart

Il semble clairement que ce groupe appartienne au Volkssturm, de part leur âge (tous ont plus de 40 ans), leur origine commune (le Volkssturm est une levée locale d'hommes, ici donc un groupe où tous sont originaire de Stuttgart), mais aussi leur métier (la 1ere levée d'hommes pour le Volkssturm en octobre 1944 concerne surtout des hommes ayant une expérience militaire : douaniers, gendarmes, policiers. Les hommes du Volkssturm ont normalement vocation à mener un combat défensif dans leur ville d'origine, sauf cette « 1ere levée » du Baden-Würtemberg, qui est la seule autorisée à être déployée plus loin (en l'occurrence en Lorraine puis en Alsace). L'armée ne pouvant équiper cette levée d'hommes, beaucoup y vont en habits civils, portant simplement un brassard d'identification, ou comme ici, leur uniforme de policier.

Nous pouvons nous interroger sur les motivations qui guidaient des hommes de plus de 40 ans à continuer à lutter, avec des armes légères contre des chars. Un article consacré à l'officier Josef Knies donnera plus de pistes.

Controverse ?

Outre les noms toujours inconnus de plusieurs soldats allemands, nous ne savons pas même avec certitude pas même leur date de décès ! Pas même lequel est décédé à quel endroit ! ou par exemple, qui était donc ce tireur au Panzerfaust qui a tué 2 soldats américains ? ... beaucoup de mystère qui nous renforcent dans l'idée que ce sont bel et bien les vainqueurs qui écrivent l'Histoire ! En effet, les archives allemandes n'étaient plus réellement tenus à la fin de la guerre. Dans le cas de Valff, des archives communales, transmises aux autorités militaires ont le mérite d'avoir au moins documenté le nom des soldats allemands tombés dans la commune.

Sepultures

Les 14 soldats allemands tombés à Valff ont été inhumés dans le cimetière du village jusqu'au 19 juin 1961, date à laquelle les dépouilles ont été transférées à la nécropole de Niederbronn-les-bains, Ils y reposent désormais côtes à côtes, Bloc 35, Rang 11, tombes 186 à 195 et pour 4 toujours non-identifiés sous l'appellation « Unbekannte deutsche Soldaten ».

 

Photos de l'auteur, prises en septembre 2017 (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Conclusion

On retrouve donc côtes à côtes : un lieutenant de réserve expérimenté issu des Panzer, un homme issu du génie de la Luftwaffe, 2 jeunes matelots, 1 cosaque, 1 militaire issu du corps logistique, 8 policiers de plus de 40 ans et surtout près de 50 hommes qui se constituent prisonniers sans combattre ! « A l'évidence, les allemands vidaient leurs fonds de tiroir : jeunes appelés, vieux gendarmes, prisonniers russes ! Un fameux pot-pourri » signale Jacques SALBAING à propos des soldats rencontrés à Valff et Zellwiller. En fait la parfaite illustration de ce qu'était l'armée allemande à la fin de la seconde guerre mondiale, et surtout les Volksgrenadier-Division et particulièrement la 708., un « pots pourris » unissant tous les hommes, « adolescents ou vieillards », en état de porter une arme ; cette unité aura surtout uni dans la mort ces soldats, ces 27 et 28 novembre 1944, à Valff.

Sources des articles :

  • Archives de Antoine MULLER, avec tous nos remerciements pour ses écrits, témoignages et compilations d'autres documents
  • Jacques SALBAING, « Ardeur et réflexion », cahiers d'un chef de section d'infanterie de Marine
  • Keith E. BONN, When the odds were even The Vosges Mountain Campaign, édition Presidio
  • Harry YEIDE et Mark STOUT, First to the Rhine 6th Army group in World War II
  • www.barr.fr : site de la ville et en particulier ses articles sur la libération
  • www.lexikon-der-wehrmacht.de
  • www.malgre-nous.eu : site dédié aux Malgré-Nous, ici en particulier la page recensant toutes les abréviations militaires allemandes
  • www.volksbund.del : commune de Bad Vigaun, paroisse de Bad Vigaun, diocèse de Salzbourg, Autriche: avec tous nos remerciements en particulier pour leurs informations sur le soldat Rupert Rosenlechner
  • www.wehrmacht-awards.com

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.