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En quelques jours de cet été 1914 le monde va basculer dans la guerre après l'assassinat de l'archiduc héritier François-Ferdinand d'Autriche Este. La paisible vie paysanne va être bousculée entre restrictions, incorporations  et décès au combat. Dans cet article nous allons essayer de comprendre l'impact de cet évènement sur les citoyens de Valff.

Le 28 juin 1914, l'archiduc héritier François-Ferdinand d'Autriche Este, neveu de l'empereur François-Joseph, et son épouse sont tués dans un attentat au cours d'une visite officielle à Sarajevo, capitale de la Bosnie. Ce meurtre politique a servi de prétexte à l'intervention armée de l'Autriche-Hongrie contre la Serbie. Le 28 juillet, l'Autriche déclare la guerre à la Serbie. Le 31 juillet à 15h00, l'Allemagne proclame l'état de danger de guerre.

Le jour suivant, samedi 1er août à 18h00, l'appariteur annonce la mobilisation générale : l'Allemagne déclare la guerre à la Russie. Les réservistes, dont le fascicule de mobilisation porte la mention « Sofort » doivent rejoindre leur unité la nuit même, pour les autres ce sera pour dimanche et lundi. Ce samedi 1er août était une belle journée ensoleillée et les agriculteurs rentraient leur orge des champs. A la place de la joie des récoltes, il y eu effroi, consternation, lamentations et pleurs. Quelle misère ! Cette nuit même, beaucoup de réservistes quittent le village dans des scènes d'adieu déchirants. La population de Valff s'était rassemblée devant la mairie pour écouter les déclarations du Maire : « Sur ordre de la « Kreisdirektion » (message amené durant la nuit), le tocsin doit être sonné immédiatement et la population informée de la mobilisation du "Landsturn". « Tous les hommes entre 17 et 45 ans devront quitter le village le lundi 2 août pour travailler aux fortifications de la ville de Strasbourg, couper du bois dans les forêts, couper les arbres le long des routes, creuser des tranchées ». Dans la nuit de samedi à dimanche vers minuit le tocsin sonna dans tous les villages d'Alsace.

Le 3 août, l'Allemagne se déclare en état de guerre avec la France et la Belgique. Par le mécanisme des alliances politiques et militaires, notre continent se trouva divisé en deux camps adverses :

220 000 Alsaciens et Lorrains sont mobilisés dans l'armée allemande, 3000 insoumis quittent clandestinement le pays pour rejoindre la France, 12 000 Alsaciens et Lorrains résidant en France s'engagent dans l'armée Française au cours des deux premiers jours de mobilisation [en savoir plus : Les déserteurs de la première guerre mondiale]. A partir du 2 août des ordonnances sont affichées à la mairie concernant les points suivants :

  1. L'état de guerre à été déclaré le 31 juillet
  2. La mobilisation générale a été déclarée le 1er août
  3. Les chevaux seront réquisitionnés le 3 août
  4. Des recommandations importantes à la population en cas de déplacement
  5. Proclamation du « Landsturn »
  6. Télégramme de confirmation de la direction générale des postes de la mobilisation générale
  7. Points de rassemblement du « Landsturm »
  8. Défense d'exporter des chevaux, du matériel de guerre ainsi que des pigeons
  9. Indicateur des horaires des trains pour les réservistes
  10. Indicateur des horaires des trains du 15e Corps d'armée Alsace - Lorraine
  11. Ravitaillement des troupes cantonnées dans les villages
  12. Réquisition de chariots et de harnachements
  13. Suppression des moyens de communication avec la France et la Russie
  14. Fourniture obligatoire du ravitaillement aux autorités
  15. Peine de mort encourue en cas de sabotage d'une ligne télégraphique
  16. Défense absolue d'ouvrir les fenêtres dans les trains afin d'éviter des attentats à la bombe
  17. La ligne de chemin de fer Sélestat - Sainte-Marie-aux-Mines est supprimée

Ordre de mobilisation retraçant les 17 points de recommandations

Carnet militaire

Le 3 août, départ du « Landsturm » pour les hommes âgés de 17 à 20 ans. Le même jour réquisition des chevaux du village, plus de 130 chevaux  passent le « conseil de révision », près d'une centaine seront déclarés « Bons pour le service ». L'armée réquisitionne aussi une dizaine de chariots agricoles et des harnachements.

Le 4 août, départ du « Landsturm » pour les hommes entre 20 et 45 ans. Entre temps, les troupes allemandes envahissent le Luxembourg et la Belgique. Le 10 août, a lieu la première incursion française en Alsace sous le commandement du général BONNEAU qui s'empare de Mulhouse. Les monnaies en or et argent se font de plus en plus rares, des billets de banque circulent de plus en plus, toute personne n'acceptant pas ce moyen de paiement est citée devant le tribunal militaire. Les gens se jettent dans les banques pour retirer leur argent, les fonds sont bloqués. De loin on entend le grondement des canons du côté de Sainte-Marie-aux-Mines et Saales. Depuis le premier jour de la mobilisation générale, les autorités allemandes ont interdit la parution des journaux alsaciens et lorrains écrits en langue française. Un avis officiel au public ordonne de remettre ouvertes les lettres à la poste et de ne correspondre plus qu'en langue allemande.

La guerre à Valff

Eté 1914, grand spectacle dans le ciel de Valff. Le grand ballon dirigeable à carcasse métallique « Zeppelin » passe juste au-dessus du village. L'immense engin volant avec une corde pendante frôle le toit des maisons. La rumeur publique fait circuler que l'empereur Guillaume II était à bord du dirigeable, normal, il connaissait notre village puisqu'il était passé en voiture en 1908 ! Dans la vallée de la Bruche, les troupes françaises du Général DUBAIL infligent aux allemands leur première défaite le 14 août. Un régiment bavarois a été battu à Saint Blaise et refoulé jusqu'à l'entrée de la vallée de Schirmeck. Le même jour, Valff, connaît un cantonnement massif de troupes en mouvement vers le Val de Villé. 14 000 hommes cantonnent dans la région. La troupe est surtout constituée de bavarois qui ont la particularité de porter un long poignard dans leurs bottes. Le commandement allemand craint une incursion de l'armée française dans la plaine d'Alsace. Tout le long du bras de la Kirneck passant derrière la commune, l'armée met en place à intervalles réguliers des ponts provisoires. Elle réquisitionne pour ce faire les ridelles des chariots agricoles et les matériaux nécessaires. Dans la vallée de Villé des coups de feu sont tirés nuitamment par des soldats français embusqués dans des maisons à Thanvillé et Saint Maurice. Les allemands s'en prennent à la population civile et en représailles incendient le village de Saint Maurice.

254 rue Principale et rue Meyer

L'évêque de Strasbourg informe les chrétiens catholiques le 14 août :

Circulaire de l'évêque ADOLD de Strasbourg en août 1914

19 août. Interdiction de sonner les cloches. Toutes les armes à feu sont à déposer à la mairie. Dans un délai de trois jours tous les pigeons sont à éliminer.

Vers la fin août, 11 canons pris aux français sont exposés devant le Kayserpalast (Palais du Rhin). Pendant toute la journée du 1er novembre on entend le grondement des canons sur la ligne des Vosges. Suivant une dépêche datée du 5 novembre ; les allemands ont repoussé l'armée française jusqu'à la frontière dans la vallée de Munster. Autorisation est de nouveau donnée de sonner les cloches le dimanche seulement pour les offices religieux. Les journaux informent journellement des durs combats à Ypres en Belgique. Toutes les enseignes en langue française sont à enlever immédiatement, interdiction formelle de parler français sur la voie publique et dans les magasins.

En cette fin d'année 1914, les vendanges sont nulles en Alsace et impossibilité d'acheter du raisin. On se procure du raisin sec de Corinthe que l'on mélange avec du sucre pour fabriquer du vin maison. Les cent kilos de raisins secs coûtent 70 Mark, le sucre 47 Mark.

Le premier soldat de Valff de l'armée allemande tombé au « champ d'honneur » s'appelle Joseph WUCHER. Il n'a jamais été inscrit dans les registres de décès. Son nom figure en premier sur la plaque commémorative du monument aux morts. Il vivait au n°238 de la rue Meyer. Il disparu en 1914. Il n'avait que 22 ans... et la guerre ne faisait que commencer !

Joseph WUCHER

Sources :