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Moulin à huile de la Rue du Moulin

Dans un article intitulé « Verklungene Mühlenromantik » de L. VOGT, nous pouvons lire que le long de la Kirneck, à partir de la vallée de Barr, se trouvaient un certain nombre de moulins : moulins à farine, scieries, moulin à huile, tous actionnés par la force hydraulique de ce cours d'eau. Un de ces moulins se trouvait à Valff. Nous connaissons le lieu dit « Mühlmatt », mais il n'y avait pas de moulin à cet endroit explications:http://histoiredevalff.fr/commune/carte-plans/498-le-cadastre-napoleonien-de-1813 Par contre le moulin près de l'ancien château est bien connu. Nous ne connaissons malheureusement ni la date de construction, ni la date de démolition, mais il semble être très vieux. Déjà en 1668 on parlait de "l'emplacement du vieux moulin". La situation géographique de ce moulin a pu être reconstituée.

Premières traces du moulin

Le premier document faisant état d'un moulin à Valff date du mois de décembre 1599. Il est question d'un moulin près du château et dont les seigneurs d'Andlau détiennent le droit de méteil. Les sujets de Valff se plaignent qu'ils n'ont pas le droit de faire moudre le grain dans un autre moulin que dans celui de Valff. Le problème est surtout ardu en hiver, quand la Kirneck est gelée, que le moulin est hors service, et que les meuniers extérieurs au village n'acceptent pas les clients qui ne viennent pas régulièrement. D'autre part, les habitants de Valff accusent le meunier de moudre de la mauvaise qualité de farine et d'être paresseux. Par un arbitrage du 31 juin 1600, la régence épiscopale de Saverne impose à ses vassaux d'autoriser leurs sujets de Valff à faire moudre le grain dans d'autres moulins, mais seulement en cas de nécessité absolue.

Vers 1648, Alexandre et Wolf Philippe d'ANDLAU accusent la veuve Judith d'ANDLAU, car son mari aurait vendu les meules du moulin castrai et empoché l'argent. Le château était à cette époque habité par Wolf Wilhelm d'ANDLAU et son épouse Judith de RATHSAMHAUSEN. Le moulin a dû être démoli vers le milieu du XVIIe siècle et reconstruit plus tard. Cette supposition semble être confirmée dans un important document du « Renouvellement des biens de 1668 », où l'emplacement est indiqué comme étant l'emplacement de l'ancien moulin. Mais, de nouveau en 1704, on parle d'un meunier nommé Hans Georg HEBELEN qui est d'ailleurs accusé par Lorentz JOST de l'avoir trompé en lui subtilisant un sétier de farine. Cette information est confirmée par un recensement de 1731 où on cite la précense d'un meunier à Valff. 

Plan de situation de l'emplacement du dit « ancien moulin » vraisemblablement en ruine en 1668

Plan de l'Andlau de 1659

Le 4 mai 1747, les seigneurs de Landsberg arbitraient un différend dans lequel il est question d'un moulin à Valff. La dame Anna Maria Grigin Johannis THOMANN, domiciliée à Mittelbergheim avait acquis à Valff un moulin pour la somme de 500 florins, monnaie de Strasbourg. Ce moulin lui a été vendu par Johann Peter MARZOLF, ancien docteur en médecine de Strasbourg. Peu de temps après, le moulin a de nouveau été revendu par la dame THOMANN pour en acquérir un autre à Siegolsheim. Les documents ne précisent pas l'emplacement de ce moulin. En 1773, dans « Bailliage des terres de la noblesse de Basse-Alsace », il est de nouveau question du moulin. Il est précisé « Moulin à Valff à deux tournants sur le Girneckbach ( Rivière Kirneck) depuis des temps immémoriaux, propriétaire Antoine BADER ».

Dans un document du XVIIIe siècle (vers 1750), les autorités de l'époque décrivent le cours d'eau de la Kirneck avec son moulin. A propos du moulin le document spécifie que la roue du moulin est alimentée par un aqueduc en bois d'une longueur de six pieds. Lors des travaux de construction, au mois de juillet 1986, le propriétaire de l'ancien moulin a mis à jour l'aqueduc en question dans un parfait état de conservation. Il s'agit d'un énorme tronc de chêne dans lequel on a taillé un canal formant l'aqueduc. Une meule datant probablement de la même époque fut également mise à jour. A la Révolution de 1789, lors du passage des biens entre la nation et les héritiers d'Andlau, l'inventaire des biens tombés sous séquestre ne fait pas mention d'un moulin appartenant aux sires d'Andlau. Il y a de fortes raisons de croire qu'après la démolition du moulin vers le milieu du XVIIe siècle, un nouveau moulin ai été construit par une initiative privée.

Aqueduc et meule provenant de l'ancien moulin (vers 1750)

Le moulin donne du grain à moudre ... à l'administration

En 1817, les archives font état d'un certain Laurent JORDAN, propriétaire du moulin. L'arrêté préfectoral du 9 août 1817 relate que le sieur Laurent JORDAN, meunier à Valff, a présenté une pétition avec son collègue BURGET, meunier à Bourgheim, relative au curage de la Kirneck à partir de Barr et demande l'application du règlement d'irrigations pour toutes les communes en amont de Valff. Entre 1817 et 1820, le propriétaire du moulin a dû changer, puisque à cette dernière date les archives font état du nouveau propriétaire Blaise JORDAN. Par arrêté préfectoral du 27 septembre 1821, et sur demande de la municipalité de Valff du 20 août 1821, il fut décidé d'aménager un nouveau lit de la Kirneck pour préserver le village des nombreuses inondations. A partir de la limite du ban de Bourgheim jusqu'à l'embouchure de l'ancien lit à travers la Muhlmatt, on a procédé à l'alignement de la Kirneck. Un nouveau canal de décharge fut creusé à partir de la déviation près du château jusqu'à la route de Westhouse, appelé encore à l'époque Hagelweg. Le tronçon situé entre l'embouchure de l'ancien cours de la rivière et le château avait été aménagé bien longtemps avant et servait à alimenter les douves entourant la forteresse. La mise en place du canal de décharge nécessitait la construction d'un barrage pour alimenter le moulin qui était équipé de un ou deux tournants (roues à eau). A cette époque-là, a débuté un différend entre la commune de Valff et le meunier Blaise JORDAN qui refusait de payer une participation à la construction du barrage.

Patente du meunier Blaise JORDAN en 1822

Les travaux de construction du barrage et d'un petit pont ont été adjugés à Florent HIRTZ d'Obernai pour un montant de 1254,96 francs. Les travaux ne devaient dépasser un mois ; au-delà de ce délai, le meunier était en droit de demander des dommages et intérêts. Le 15 février 1823, le meunier Blaise JORDAN intente une procédure contre le constructeur du barrage. Ce dernier présente des malfaçons, la retenue des eaux étant impossible. L'ensemble de l'eau s'infiltre à travers l'ouvrage de sorte que le meunier ne peut pas faire tourner son moulin entre début décembre 1822 et fin janvier 1823. Il demande au tribunal d'infliger au constructeur de forts dommages et intérêts par suite du « chaumage » (sic) chômage du moulin :

Le maire ANDRES certifie en date du 10 février 1823 cet état de fait dans les termes suivants : « Le maire de Valff certifie qu'il ne passe point d'eau sur le moulin de ce lieu, au lieu de passer sur le moulin elle passe toute par le barrage de prise d'eau ou par le déversoir du meunier, depuis mercredi dernier cinq du courant, il n'a pas passé une goutte ni sur le moulin, ni dans le village de manière que beaucoup de monde est mécontent d'être privé d'eau et que cela pourrait être préjudiciable pour la commune si malheureusement il y avait un incendie dans le village ».

Le tribunal de Sélestat, par jugement du 12 avril 1823, invoque l'insouciance du Maire de Valff, qui n'avait pas pris de décisions administratives qui auront du « recevoir » ou « refuser » les travaux exécutés par le sieur Florent HIRTZ d'Obernai. Cette carence du maire est la cause de l'incertitude du tribunal. Le maire est invité sur le champ à faire diligence, sinon il sera personnellement responsable de tout avènement du dommage. Au cours de l'année 1850, le propriétaire du moulin JORDAN adresse une nouvelle pétition au Préfet et se plaint de l’inexécution de l'arrêté préfectoral du 20 août 1817 qui a réglé les irrigations le long de la Kirneck. Il réclame aussi le paiement des frais d'instruction du règlement de son usine.

Plan de nivellement et d'instruction au sujet de l'alimentation en eau du moulin en 1820

Le 30 août 1860, le maire de Valff adresse une lettre au Sous-Préfet de l'arrondissement de « Schlesstadt » et demande que, conformément à l'arrêté préfectoral du 12 septembre 1821, il soit statué sur la répartition des dépenses faites pour la construction du barrage du moulin et de celles à faire pour sa réparation. Donc quarante ans après sa construction, le meunier JORDAN n'avait pas encore payé sa quote-part.

Le moulin étant soumis au décret du 13 mai 1850 ; l'article 3 prescrit le maintien de l'ouvrage en tête de la dérivation et qui doit avoir 3,97m de largeur, et le seuil fixé à 1,40m de hauteur en contrebas du point d'eau. Aujourd'hui, ce barrage qui n'a pas été réparé quand il présentait des dégradations, menace ruine, et doit être restauré complètement. Dans le cas où sieur JORDAN se refuserait à désigner un expert et déclinerait cette obligation, l'usine serait mise en chômage par les pouvoirs publics qui prendraient également les mesures de police que commandent les circonstances. Fin 1862, le barrage fut reconstruit mais suivant un cahier de charges assez sévère, dressé par l'ingénieur des ponts et chaussées, service hydraulique.

Le 12 mai 1862, le maire de Valff et le propriétaire du moulin Aloyse JORDAN concluent une convention pour la reconstruction de ce barrage, dont voici l'essentiel : « Entre les soussignés, Monsieur  François Etienne ANDRES, maire de la commune de Valff, d'une part, et le sieur Jordan ALOYSE, meunier fils majeur de Blaise JORDAN, propriétaire d'un moulin sur la Kirneck, lequel s'est établi en 1856 dans les Etats-Unis de l'Amérique et dont le domicile actuel est inconnu, d'autre part. En raison de l'état de délabrement dans lequel se trouve le barrage du dit moulin, au point de ne plus conserver l'eau de la retenue fixée par le décret y relatif du 13 mai 1850, et pour prévenir les dommages que pourrait produire en temps de cure la trop grande masse d'eau déversée, faute d'un barrage bien conditionné. Il a été arrêté ce qui suit : Ledit barrage devra être reconstruit dans le plus bref délai possible par les soins et sous la direction de l'administration du service hydraulique. Les parties prennent l'engagement de supporter chacune la moitié de la dépense qu'occasionnera la construction du barrage ». Suivent les signatures.

Le service hydraulique des ponts et chaussées établit un devis pour un montant global de 907,30 francs pour la reconstruction de ce nouveau barrage sur la Kirneck. Le 8 novembre 1862, l'entrepreneur Sébastien MEYER d'Obernai est chargé de l'exécution des travaux aux conditions du devis. Suivent les signatures du maire, des conseillers municipaux et celle du meunier JORDAN qui devait prendre à sa charge 50% de la dépense. Louis Napoléon BONAPATE (Napoléon III) imposa au meunier JORDAN un règlement du moulin à Valff en date du 13 mai 1850. Ce règlement composé de 14 articles est signé par la main propre de Louis Napoléon BONAPARTE, du ministre des travaux publics BINEAU, et est érigé à l'Elysée à Paris. Il prévoit les droits et les devoirs du meunier dans les moindres détails.

Anciens vestiges du barrage alimentant le moulin 

Dès 1902, nous trouvons Florent MULLER comme nouvel exploitant du moulin à Valff. Par autorisation du 6 septembre 1902, il obtient l'autorisation du « Bezirkspräsident » de pouvoir relever la retenue d'eau au niveau cote 165,318m (repère sur le barrage). Joseph MULLER, le nouvel exploitant sollicite et obtient l'autorisation de construire un pont sur la Kirneck le 24 mai 1906. Il s'agit d'un pont d'une largeur de 2,80 et 0,90m de hauteur. Il est d'ailleurs précisé dans l'autorisation « Die Bauflucht ist durch die linksufrig hestehende Haüser gegehen. Die Breite erhiilt in der Halle gemessen eine Licht-weite von midestens 2,80 m ». L'emplacement de ce pont est dans l'état actuel des choses difficile à situer. Par la suite, le moulin fut exploité par Edouard HERRMANN jusqu'en 1957, date à laquelle toute la propriété fut vendue aux enchères et acquise par Paul VOEGEL. Le moulin fut définitivement arrêté en 1957, les droits de mouture cédés à la société BECKER & Fils de Dossenheim.

Le moulin au fond au centre en 1936

Le moulin en feu !

Le 21 avril 1980 à 18h00, l'ensemble des bâtiments du moulin fut la proie des flammes, le bâtiment anéanti. Le propriétaire fit reconstruire à l'emplacement une belle maison d'habitation à colombage. Le moulin de Valff a vécu.

Dernier moulin sinistré en 1980

La bâtisse en 2020

Un autre moulin se trouvait en bordure de l'Andlau dans le prolongement du Hagelweg « Bruchmühle ». Son nom provient du moulin situé dans le Bruch de Zellwiller. Bien que l'exploitation fut arrêtée vers la fin du XVIIIe siècle, le moulin fut habitté jusqu'en avril 1948 par une famille nombreuse qu'on a toujours appelé les « Bruchmüllers ». Administrativement, le moulin se situait sur le Ban de Zellwiller, mais les enfants fréquentaient l'école de Valff, le chemin étant plus court sur Valff que sur Zellwiller. Entre-temps, tous les bâtiments sont tombés en ruine, et seuls quelques vestiges demeurent en place, parmi lesquels une partie d'une belle croix rurale frappée aux emblèmes de la corporation des meuniers. Ce moulin a déjà été cité dans un document du XVIIe siècle, lorsque la commune de Zellwiller portait plainte contre celle de Valff concernant l'entretien de ce cours d'eau.

Plan des bâtiments aujourd'hui détruits du moulin dit « Bruchmühl » sur la rivière Andlau au XVIIIe siècle

Plan de 1902