- Écrit par : Rémy VOEGEL
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Les incendies ont, de tout temps, été la hantise des villageois. L'inflammabilité des matériaux de construction, les feux de cheminées et les moyens limités d'extinction ont conduit l'administration à règlementer les risques de feux et punir sévèrement les négligents. Dans cet article, nous allons nous rendre sur un lieu d'incendie, incendie que nos anciens concitoyens pompiers de Valff ont aidé à prescrire avec bravoure et endurance avec leurs moyens archaïques et limités.
L'administration face aux incendies (1850)
En 1850, le juge de paix Charles ROEDERER adresse une circulaire aux maires du canton d’Obernai. Il faut renforcer la prévention contre les incendies accidentels et négligents. Il rappelle que les incendies volontaires ou par imprudence peuvent être sanctionnés jusqu'à des peines de travaux forcés, conformément à l’article 458 du Code pénal. Cet article prévoit également la condamnation à des amendes si les dégâts sont causés suite à une vétusté ou à un défaut de nettoyage : on parle ici des cheminées, des forges, des maisons, ou lors de feux en plein air à moins de cent mètres de toute construction.
Roederer cite aussi l’article 471‑16, qui oblige, au risque d'une amende de 1 à 5 francs, ceux qui négligent la surveillance des brûlis ou provoquent des catastrophes avec des pétards ou des fusils. Enfin, il rappelle la loi de 1790 qui impose aux maires de surveiller le nettoyage des cheminées du village au moins une fois par an.
Mesures concrètes recommandées
Pour assurer la sécurité, Roederer préconise la nomination d’agents spéciaux — ramoneurs, maçons, etc, chargés de réaliser des inspections régulières. Ils doivent vérifier :
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Si les cheminées sont ramonées convenablement et au bon moment
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La qualité de construction des conduits (épaisseur, robustesse)
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La distance de sécurité des matériaux inflammables voisins
Les maires disposent du pouvoir de faire modifier ou démolir tout foyer, poêle ou cheminée non conforme.
Signé Charles ROEDERER, juge de Paix
Circulaire de Charles ROEDERER juge de paix vers 1850
L'incendie à Andlau du 17 août 1838
Le maire d'Andlau, B. RIEFFEL relate dans le journal « Le courrier du Bas-Rhin » un évènement qui a secoué sa commune en 1838.
Il écrit: «Au rédacteur du Courrier du Bas-Rhin, Andlau, le 25 août 1838»
Monsieur,
Veuillez publier dans les colonnes de votre journal les détails suivants : Le 17 du courant, à une heure du matin, un incendie a éclaté à Andlau dans la fabrique du sieur François QUIRIN, mécanicien et fabricant de pointes (2) qui en quelques heures à réduit en cendres l'habitation et la fabrique ainsi que la teinturerie du sieur Fréderic IMBACH fils, fabricant en laine ; le feu s'est propagé d'une manière si rapide qu'il menaçait un grand nombre de maisons qu'environnaient les bâtiments en question, et la terreur s'est emparée de la population accourue au son du tocsin ; mais grâce aux efforts réunis :
- de l'autorité locale,
- du curé et vicaire de la commune qui, par leurs exhortations et leur exemple, animaient le zèle des habitants,
- aux secours généreux de MM. BRENNER, adjoint de la ville de Barr, à la tête de ses concitoyens,
- M. DANZER, adjoint à Mittelbergheim,
- MM. METZ et SPITZ, les deux adjoints d'Epfig,
- M. ZEYSOLFF, maire et son adjoint de Gertwiller,
- M. WEITHOLZ, maire à Eichhoffen,
- M. BAUER, maire à Zellwiller,
- M. WURTZ, maire à Saint-Pierre,
- et l'adjoint de Valff (Blaise VOEGEL),
qui se rendirent en personne avec beaucoup de leurs concitoyens sur le lieu du sinistre, accompagnées de huit pompes à feu, ce qui faisait avec ceux d'Andlau douze pompes, on est parvenu à arrêter les ravages de l'incendie. Nous croyons devoir témoigner publiquement notre reconnaissance au dévouement sans bornes de ces autorités et de la population, ainsi que de la brigade de la gendarmerie de Barr qui s'est très bien distinguée, de même M. BARBAREL, contrôleur des contributions directes, qui était un des premiers avec M. le vicaire d'Andlau an lieu du sinistre. Les personnes qui voudront donner des secours aux malheureuses victimes de cet incendie, qui sont les nommés QUIRIN père de sept enfants, et KOLOVRATH, teinturier, dont les effets et marchandises n'étaient pas assurés, sont priées de les adresser au maire d'Andlau. Agréez, etc.
Le maire d'Andlau, B. RIEFFEL
Une question se pose : comment prévenait-on les villages alentours en plein milieu de la nuit ? Un messager à cheval, par sonnerie de cloches ? Ou bien étaient-ce les veilleurs de nuit locaux qui, à la vue d'une lumière douteuse, prenaient l'initiative d'alerter les pompiers du lieu ? Si c'est le cas, celui de Valff avait sûrement de bons yeux et a parfaitement remplit son rôle ! Le temps de se réveiller, brosser les dents (peut-être pas !), de sauter dans son pantalon, de seller les chevaux, de réveiller les autres et d'arriver à temps à Andlau, l'adjoint Blaise VOEGEL et ses volontaires valffois ne sont certainement pas arrivés les premiers !
Le déblayage est un autre travail dont s'attellent avec abnégation ces hommes courageux. C'est moins glamour, mais tellement utile et serviable pour les sinistrés traumatisés.
En Alsace, Sapeur Pompier s'écrit avec l'acronyme S P (Sa Prule... !) 😂
...et... sans oublier, pour clôturer une année de feux bien arrosés, l'incontournable repas de la Ste-Barbe.
Album photo des pompiers de Valff
Liens utiles :
https://sites.google.com/jstramonage.com/jst-ramonage
Thibaut VOEGEL, ramoneur originaire de VALFF
Sources :
- Gallica
- Photos fond Antoine MULLER
Autres histoires sur les pompiers :
Notes :
- (1) Un franc en 1850 valait environ 2,53 € en 2006
- (2) Le feu s'est déclaré au lieu dit, hors de la ville, rue Hinderdersinn aujourd'hui rue des remparts) n°39 chez QUIRIN François, fabricant de pointes de paris (clous) et serrurerie, qui habitait à cet endroit avec sa femme Adèle et ses 7 enfants. A côté, au n°40 vivait George KOLOVRATH, teinturier, avec sa femme et le frère de ce dernier