Une famille respectable ! Voilà comment on pourrait qualifier la famille BAECHLER de Valff. Mais à bien y regarder…

Les archives en ligne permettent de retrouver de belles perles. En voici une ! La plus ancienne photographie d'habitants de Valff en notre possession est celle de Jacques BAECHLER, tisserand de Valff, et de son épouse, Marie-Françoise HEISSLER. La photo date des années 1900. Notez une des particularités de ce cliché : c'est l'apparat des parures de dimanche de l'époque à Valff. Le couple s'est laissé photographier dans le studio BURCKEL à Barr.

Jacques BÄCHLER, un passé de faussaire ?

Qui était Jacques BÄCHLER ?

La famille BAECHLER habitait au n° 13 de la rue Haute à Valff.

Recensement de la population de 1885. Vivaient au n°13, Jacob, son épouse, HEISSLER Françoise et leur nièce BÄCHLER Clémence

À gauche, ancienne maison n°13 de la rue Haute

Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, est une annonce dans le journal Amtliche Nachrichten für Elsass-Lothringen : Verordnungen und Bekanntmachungen du 30 novembre 1876 qui informait :

Avis

L'ouvrier d'usine Charles WEIL de Stotzheim et Jacques BÄCHLER de Valff ont reconnu que, durant les mois d'août, septembre et octobre de cette année, ils ont fabriqué et distribué une quantité de pièces de monnaie en argent, c'est-à-dire des pièces d'un Mark avec l'impression 1876, des pièces de Thaler prussiens des années 1867 et 1871, des pièces de 5 Marks prussiens avec l'année 1876, des pièces françaises de 2 francs avec le marquage République 1870, et des pièces de cinq francs italiens (Italienische Fünffrankenstücke) de l'année 1870 en étain et en antimoine. Ils reconnaissent également les avoir distribuées dans les villes de Thann, Colmar et Strasbourg. Une certaine quantité de ces fausses pièces a été rapportée aux services de police, mais une quantité non identifiée pourrait encore se trouver en circulation.

Je demande donc à toute personne qui serait en possession de ces fausses pièces, bien imitées, de les rapporter sans délai au prochain service de la maréchaussée ou de me les transmettre directement à Mulhouse.

Der Kaiserlische Untersuchungsrichter 

Von STENGEL 

Vu le nombre important de pièces en circulation, les autorités en sont venues à rediffuser la même annonce en décembre. 

Qui est le Kaiserlische Untersuchungsrichter Von STENGEL ?

Le baron Karl Michael Joseph Leopold Freiherr von STENGEL  était juge régional au Reichsland Elsass-Lothrigen entre 1871 et 1879.

L'enquête

Avons-nous la possibilité d'en savoir un peu plus, 150 ans plus tard ? Commençons par Charles WEIL de Stotzheim. Nous n'avons que peu d'éléments à son sujet, à part cet acte de 1872 qui nous apprend que pendant son service militaire à Avignon, il a eu des démêlés avec la justice où il a goûté à la bonne pitance du pénitencier militaire de cette ville. Comme tous les alsaciens lorrains d'après 1871, il pouvait choisir sa future nationalité. Pour lui, elle restera allemande (parce que la pitance au pénitencier français est nulle, peut-être !) 🥶). Né en 1844, il avait donc 32 ans en 1876, année qui nous intéresse.

Jacques BAECHLER. Né le 7 juillet 1813 à Meistratzheim, il exerçait le métier de tisserand. Son père Jacques, tisserand également et gardien de nuit à Meistratzheim, avait épousé Sophie GOETTELMANN. Le couple engendrera une sœur à Jacques, prénommée Sophie. Le Jacques qui nous concerne, épousera une fille de Valff, de père tisserand : Marie-Françoise HEISSLER. La famille s'agrandit avec Marie-Anne, Françoise, Joseph, Thérèse, Louise et Catherine.  

Cortège de la Fête-Dieu à Meistratzheim vers 1920. Notez la similitude des motifs du tissu des femmes avec ceux de Marie-Françoise HEISSLER de Valff !

Pensez-vous que Jacob BÄCHLER serait capable de fabriquer de la fausse monnaie ? En tant que tisserand, il n'avait aucune connaissance dans l'usage des métaux. Par contre, en 1869, un autre BÄCHLER, lui, en avait ! À l'audience de la cour d'Assises de Colmar du 12 mai 1869, comparaissaient Maurice BÄCHLER, tailleur d'habit habitant à Ribeauvillé, se disant né à Ruswil en Suisse, Charles FRIEDRICH, serrurier à Châtenois, sa femme Catherine JEHL et la veuve d'Ignace JEHL, ainsi que Catherine KELLER, tous accusés pour fabrication et d'émission de fausses monnaies.

Depuis quelques mois, des pièces à l'effigie du Roi d'Italie, du Roi des Belges, de Louis-Philippe et de Napoléon III circulaient dans le canton de Ribeauvillé. C'est au domicile de Catherine JEHL que la police découvrit divers instruments et métaux permettant la fabrication de fausse monnaie. Friedrich avoue, mais déclara que c'est Maurice BÄCHLER qui lui a procuré les moules du délit. Seul BÄCHLER sera condamné. Six ans de réclusion (et une bonne pitance allemande à la prison d'ENSISHEIM).😎

1 Mark 1876

Thaler prussien

 5 Mark prussiens

2 francs 1870

5 lires italiennes

Jacob, coupable ou non coupable ?

Ni dans les archives de Valff, ni dans les médias, il existe un quelconque document confirmant que Jacques BÄCHLER de Valff ait été condamné. Dans l'insertion du journal cité plus haut, il est écrit que WEIL et BÄCHLER ont reconnu leur implication dans la fabrication de fausse-monnaie. Les suites d'un excès de zèle de la police ? Une erreur judiciaire ? Mais un Weil de Stotzheim et un Bächler de Valff, ça sort d'où ? On n'en saura pas plus.

Peut-être que Jacob et Charles WEIL ont-ils simplement refilé de la fausse monnaie, récupéré d'une façon ou d'une autre ? Voilà comment on se rappelle, 150 ans, plus-tard, au bon souvenir ! Actuellement, avec le fléau des réseaux sociaux, la situation s'est-elle arrangée ? 🙄 Mais cela est une autre affaire… ! 

Sources :

  • Gallica
  • Généanet
  • M A Shops

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.