Écrivez : « Pour faire des confitures, votre grand-mère utilise 5,6 kg de prunes. On mélange les fruits avec les 4/5 de leur poids en sucre. Le dénoyautage et la cuisson font perdre 25% du poids du mélange. Après cuisson, on met la confiture dans des pots de 500 g. » Combien de pots votre grand-mère peut-elle confectionner ? Quels poids reste-t-il à lécher au fond de la bassine ?

Nostalgiques des calculs d'époque, de baignoires qui fuient ou de trains qui se croisent ? On ne pense pas assez à ces instituteurs, aux blouses grises, qui avaient pour mission de faire entrer dans les petites têtes blondes, à la baguette parfois, des réponses de questions existentielles et improbables. 

Le cas de Florent VOEGEL est particulier. D'instituteur, il est passé au métier d'épicier pour finalement renfiler dans l'âge sa blouse d'instituteur. Les solutions aux problèmes de fabrication des confitures, il connait !

Qui était Florent VOEGEL ?

Florent naît à Valff en 1802. Il est le fils de Blaise, laboureur, et d'Anne-Marie Andres, entouré d'une famille de neuf enfants dont trois décèderont en bas-âge. La famille habitait au n°68 ou 65 de la rue Thomas. Le grand-père, Jean, était secrétaire et trésorier de la fabrique de l'église St-Blaise.

Au décès de son père en 1827, Florent est enregistré comme témoin. Il a 26 ans et est instituteur. Il a passé son brevet de capacité du deuxième degré. Il a vraisemblablement servi comme aide instituteur à Valff en compagnie de Charles FUCHS, foudroyé dans le clocher de l'église en sonnant les mâtines [lire : Et du ciel, la foudre frappa !].

Sa signature légère dénote des graffés incertains, si ce n'est une croix, de certains de ses contemporains. 

Kochersberg, Plan de Cassini 

Costume traditionnel de Truchtersheim

Il épouse en 1828, Régine JORDAN, qui décède le 4 mars 1840 à Truchtersheim. De Valff, elle y a accompagné son mari, instituteur. Ils leur naîtront, Louis Modeste en 1830 et Marie Régine, cinq ans plus-tard. Ils habitent au n°111 à Truchtersheim. En 1835, Florent cherche même à engager un aide-instituteur.

 

10 novembre 1828, mariage de Florent VOEGEL et Régine JORDAN

Après le décès de Régine, Florent, 40 ans, trouve à nouveau chaussure à ses pieds à Willgottheim. C'est la jolie Barbe GASS, 31 ans, qui su lui rouvrir le cœur. Elle est fille de tailleur d'habits. Sa mère est décédée. Le jeune, vieux couple, s'installe à Willgottheim au n° 40 de la rue Principale. Fini l'école, Florent est maintenant épicier... et vend du sucre pour des confitures... mais des vraies ! 

Recensement de 1846 à Willgottheim

De forts soupçons tendent à penser que Louis MODESTE a émigré aux États-Unis, quant à sa fille, Régine, elle vit toujours avec ses parents.

D'après l'annuaire des résidents de New-York de 1873, il exercerait le métier de boulanger.

Acte de mariage du 11 novembre 1841 de Florent VOEGEL et GASS Barbe. Florent est ex-instituteur de Truchtersheim. Il sera épicier et s'installe à Willgottheim d'où est originaire son épouse

Le 29 mars 1842 naît Marie Joséphine (faites le calcul avec la date de mariage, mars moins 9 mois...)😮, en 1846, naît François Joseph Ignace, Félix Edouard en 1848 et finalement François Charles Victor en 1852

Félix Edouard optera en 1871 pour la nationalité française. Il s'installera à Étouy dans le département de l'Oise et y épouse Nolin Eleonise Adeline de Belval-sous-Châtillon et exerce le métier de comptable à Épernay en Champagne. Ils habitent au 8, rue Léger-Bertin dans cette ville.

François Ignace deviendra un futur chef-cuisinier à Genève, François Victor embrassera la vocation d'instituteur comme son père. Il décède à Doulevant-le-château le 5 octobre 1935. On lui décernera le titre de professeur et officier de l'instruction Public. Un de ses descendants, maire et Conseiller d'arrondissement, bénéficiera d'hommages funèbres mémorables. Que pouvons-nous apprendre sur lui ? La réponse : Louis VOEGEL vétérinaire, maire et conseiller d'arrondissement.

1848

Florent VOEGEL est directeur de la compagnie de placement financière et bancaire New-yorkaise, L'Équitable. Il est responsable des cantons de Wasselonne, Truchtersheim, Brumath et Willgottheim. Son fils Louis Modeste, parti en Amérique y est peut-être pour quelque chose.

1850

Le maire de Woellenheim, n'ayant trouvé de remplaçant à la sœur enseignante, Ambroise de la Providence, rappelée par sa hiérarchie et non remplacée sans explications et pour cause de modicité de salaire (10 élèves), ne trouve que l'ancien instituteur de Truchtersheim, Voegel, pour enseigner ses petits protégés. Ce dernier accepte et son traitement sera négocié à 200 francs par an, plus 25 francs de rétribution scolaire, 50 francs pour le chauffage, plus 6 hl. en grains, en froment et orge. Pour ce salaire, il devra toutefois servir de sacristain, de temps en temps balayer l'église et actionner les cloches. En 1870, son traitement se monte à 700 francs, et en 1874, il est majoré à 1 500 frs. Florent restera, 26 ans, titulaire à l'école de Woellenheim tout en habitant et enseignant à Willgottheim.

Recensement de Willgottheim de 1866

Lorsqu'il est pensionné en 1877, la place est vacante et les enfants devront aller provisoirement à l'école de Willgottheim à pied, en attendant un nouvel enseignant. La situation provisoire n'est pas propice aux élèves, durant les hivers rigoureux, les petits enfants ne peuvent se rendre dans ce village à cause de la neige et du froid. Il serait utile d'engager une institutrice et d'adjoindre un logement à la salle d'école ; en attendant, la rémunération est versée à l'instituteur de Willgottheim.

Après le décès de Florent VOEGEL, le 27 janvier 1880 à Willgottheim, son épouse Barbara s'occupera seule dans leur maison, au n°40 de la rue Principale, dans le quartier dit Mitteldorf. Elle gardera son poste d'épicière (Krämerin) jusqu'à sa mort le 22 juin 1891. C'est le nouveau maître d'école, Laurent Hug de Zeinheim qui déclarera son décès.

 

En 1882, 10 enfants font toujours et encore, deux fois par jour, 1,8 km, pour se rendre à l'école de Willgottheim, à travers champs. En 1883, la municipalité réfléchie à faire rénover l'école locale et d'y adjoindre un logement convenable, mais n'obtiendra de prêt, ni de successeur, et donc, depuis 1877, les petits sabots des pieds des enfants de Woellenheim les transportent, été comme hiver, toujours et encore, à l'école de Willgottheim ! 

Woellenheim

Sources :

  • Adeloch
  • Archives départementales du Bas-Rhin.
  • Ellebach
  • Gallica
  • Pays d'Alsace, 1982

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.