
- Écrit par : André VOEGEL
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Dans ses mémoires, André VOEGEL vous relate les divertissements et les jeux qui ont bercé son enfance.
« Dans ma jeunesse, les jeux étaient plus terre à terre que vers la fin du XXe siècle, je dirai plus simples et écologiques et beaucoup plus liés à la nature qui nous entourait.
Dernières Nouvelles d'Alsace de 1949
La chasse aux hannetons et aux moineaux
Dès le printemps venu, au mois d'avril, nous allions à la chasse aux hannetons d'avril que nous appelions « Aprile Schisser », chieurs d'avril, qui étaient de taille plus petite que le hanneton commun et qui se manifestaient au mois de mai. Ces insectes de la famille des scarabéidés causaient de gros ravages dans les vergers en mangeant les feuilles des arbres. C'est à la tombée de la nuit qu'ils sortaient de terre pour s'abattre sur les arbres fruitiers. Le moment propice, "ces ennemis", nous assurait une chasse à la vie et à la mort. Enfermés dans des boîtes perforées avec quelques feuilles pour seule nourriture, ces pauvres bêtes trépassaient rapidement. Il nous arrivait de les martyriser en leur accrochant à travers l'abdomen un fin fil avec, au bout du fil, une petite feuille de papier. Les lâcher, en les regardant traîner avec peine à travers les airs, à la façon avion de spot publicitaire, était pour nous, une amuserie. Le plaisir, je m'en doute maintenant, ne devait pas être partagé !
La chasse aux animaux nuisibles vers 1910 (Crédit image : Ville de Plessis Robinson)
Très tôt, nous nous entraînions à rouler à vélo sur un vieux biclou, parfois sans pneus. Un chemin légèrement en pente vis-à-vis de notre maison faisait affaire de terrain d'entraînement. Lorsque nous avions appris à garder l'équilibre, avec l'accord des parents, nous pouvions emprunter leur bicyclette, de préférence un vélo de dame sans tube horizontal et qui se prêtait mieux à notre petite anatomie. Les vélos pour enfants étaient, à l'époque, inconnus. Souvent, je m'amusais avec notre chien que j'avais dressé à me chercher dans des cachettes les plus reculées. Je portais une grande sympathie envers ces êtres affectueux, et qui m'ont toujours accompagné dans ma vie. Un jeu très apprécié par les garçons était également la chasse aux moineaux avec une fronde fabrication maison. Cette arme de jet, armé de pierres, était une occupation dangereuse. Avec des copains tireurs d'élites, on pouvait provoquer des désagréments avec des voisins. Vitres cassées, dégâts, mais toujours avec le responsable inconnu.
Toupies, billes, …
À partir du printemps, avec le temps sec, on sortait les toupies, jouet en bois, en forme de poire, que les enfants faisaient tourner au moyen d'une ficelle attachée à un bâton. Un bon joueur savait faire tourner la toupie si vite, sans qu'elle se déplace, qu'elle semblait immobile. Le point à respecter était la piste qui ne devait pas présenter d'aspérités. Les routes goudronnées, bien plates, qui se seraient bien prêtées au jeu de la toupie, étaient encore rares à cette époque, bien que le trafic de camions et d'automobiles était encore clairsemé. La route menant à Zellwiller, par exemple, était, à l'époque, sans aucun revêtement goudronné.
Jeux de billes
Un jeu très prisé, le jeudi surtout, qui était notre journée libre hebdomadaire, fut le jeu de billes. Il y avait deux manières de jouer, le jeu simple où chaque joueur reprenait ses billes après le jeu, et le jeu, plus sérieux, où le gagnant gardait pour de bon les billes gagnées. La qualité des billes étaient différentes. La bille en terre cuite n'était pas tellement appréciée, la bille de pierre, de verre ou d'acier présentaient une valeur nettement supérieure. Bien des roulements ont été démontés. Quand la bande de garçons et filles était plus nombreuse, il fallait choisir un jeu pour des joueurs plus important.
Nous avions deux jeux de ballon que nous dénommions : ballon prisonnier ou celui que nous appelions « "Stillstand" pas remuer ». La règle de ce dernier jeu consistait à pouvoir se déplacer, courir ou même se cacher, derrière un arbre, dans un secteur déterminé, jusqu'à ce que le porteur de la balle crie « Stillstand ». À ce commandement, chacun devait se figer à la place où il se trouvait et le porteur de balle, sans se déplacer, visait un des participants qui devenait alors le nouveau porteur. En cas d'échec, le porteur gardait la balle et le jeu se poursuivait.
1936
Bonhomme et bataille de boules de neige !
Au printemps, à la période des pontes des oiseaux, corbeaux, pies, palombes, tourterelles, geais, etc., nous nous rendions en forêt à la recherche de nids pour les piller. La période de floraison des primevères et muguets en forêt donnait lieu à de belles sorties avec certaines filles du quartier et nous ramenions de gros bouquets de fleurs. Les hivers étaient traditionnellement froids et enneigés. Une couche de 30 à 60 cm de neige pouvait couvrir la campagne de décembre à février. D'énormes bonhommes de neige se dressaient alors et montaient la garde à tous les coins de rue, les cours et les jardins. Des batailles de boules de neige entre le haut et le bas village s'organisaient. Mais le plus amusant étaient les glissades sur les prés gelés, le dimanche après-midi. Filles et garçons se tenant par la main et s'élançaient sur d'immenses pistes gelées.
Bataille de boules de neige !
Le matin, en allant à l'école, nous profitions déjà de ces petites glissades, sur les rigoles le long de la route. Il n'y avait pas encore de canalisation, les effluents domestiques se déversaient dans ces rigoles avant de s'écouler, au moment de la fonte, dans la Kirneck. La petite rivière qui traversait le village de part en part, était pendant des mois entiers complètement gelée à la grande joie des enfants. Sur des traîneaux spéciaux, munis de patins, et à l'aide de deux piquets, nous pouvions nous déplacer sur la glace à grande vitesse et passer sous les ponts voûtés.
Ancienne luge à Valff le 4 janvier 2024
Les oies dans le bas village
En hiver, le déneigement n'était pas assuré par le service des Ponts et Chaussée (désignation remplacée ensuite par la DDE). C'est la commune qui, en principe, s'occupait du déneigement avec un chasse-neige tiré par des chevaux, mais peu efficace. Une épaisse couche de neige bien tassée restait au sol et recouvrait toutes les voies publiques. Très souvent, et surtout le dimanche, on voyait passer de gros traîneaux en bois tirés par un ou deux chevaux dans le village. De loin, on entendait l'arrivée de ces attelages, les chevaux portaient pour la circonstance des colliers à clochettes, ce qui donnait une belle ambiance dans le village durant ces hivers qui ne finissait pas. À l'arrière, le cortège ne cessait de s'allonger, grossi par des enfants, petits et plus grands, qui s'accrochaient comme ils le pouvaient.
Meccano
À Noël, les cadeaux, jouets et friandises pour les enfants, ne reflétaient en rien, et de loin, ce qui se pratique de nos jours. Le Kristkindel avec son âne, nous apportait des douceurs et des jeux, moment que nous attendions avec tellement d'impatience, bien des semaines avant. De son sac, le Kristkindel distribuait des pommes, des noix enveloppées dans du papier alu, parfois quelques oranges ou des tablettes de chocolat noir, des figues, peut-être un jeu collectif et des fois un cahier ou un livre à colorier. À l'âge de neuf ou dix ans, j'ai été gratifié d'un mécano dont j'étais très fier car mes copains n'en avaient pas encore. J'ai lu plus tard de la plume d'un philosophe : " la richesse ne procure pas le plaisir, ce qui procure du plaisir, c'est que les autres le soit moins !" Tous les ans, mon mécano s'est étoffé , ce qui me donnait l'occasion de bricoler des engins toujours de plus en plus grands et même de les animer avec un moteur électrique. J'étais un enfant heureux, pendant des hivers entiers, je m'amusais à construire des grues, des camions, des ponts, des scies mécaniques. On était heureux avec peu !
Publicité de 1920 dans le journal Strasburger Neueste Nachrichten : le magasin de jouets MULLER
Crédit photos :
- Fond Antoine MULLER
- Fond BLUMER, archives de Strasbourg
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