Le Celtic avec a son bord 870 passagers

Pierre SCHULTZ est installé à Cincinnati depuis octobre 1872. Nous ne possédons aucune lettre de lui. A quelle date ses frères Georges et Joseph l'ont-il rejoint ? Pour défaire la pelote de l'histoire, je me suis inspiré des lettres d'Edouard qui indiquent avoir rencontré à son arrivée à Cincinnati, ses trois frères en novembre 1894.

Georges et Joseph étaient installés. Georges avait même fondé une famille. Pour simplifier, la consultation des listes des émigrés m'a permis de fixer la date de l'arrivée de Georges et Joseph à New-York le 19 octobre 1874. Deux années après Jean-Pierre. Les deux frères ont voyagé sur le même navire. Le bateau à vapeur de 2458 tonnes de frêt a pour nom le SS Adriatic. Ce n'est pas tant l'histoire du voyage que nous allons vous relater cette fois-ci, mais plutôt l'histoire mouvementée du navire.

Georges et Joseph embarquent à Liverpool en direction du port maritime de Queenston en Irlande appelé aujourd'hui Cobh pour prendre la direction de New-York. La traversée, par temps favorable, durait en général une quinzaine de jours. Le capitaine de l'Adriatique a pour nom Hugh Hamilton PERRY.

Rapport de la liste des passagers remis par le capitaine Hamilton Perry à son arrivée à New-York

Le navire transporte 400 passagers. Sont logés 113 passagers en 1ère classe dans les cabines appelées Saloon et 287 dans l'entre-pont ou Steerage. Le bateau transporte essentiellement des clients des Etats-Unis, d'Angleterre, d'Irlande, 52 allemands, 11 suédois, 1 hollandais, 3 écossais, 1 grec et 12 français dont les frères SCHULTZ, Georges, 25 ans, et son frère Joseph, 17 ans. 

Mais revenons à l'histoire de l'Adriatic. Le bateau de la société White Star Line est l'un des 6 premiers navires à vapeur de cette compagnie tristement connue avec l'histoire du Titanic. L'Adriatic construit par la société Harland et Wolf de Belfast est lancé le 17 octobre 1871. Il est le premier navire, aux ordres du capitaine Digby MURRAY à remporter le trophée Blue Riband pour sa traversée vers l'Ouest en 7 jours, 23 heures et 7 minutes avec une vitesse de 14,53 noeuds soit environ 27 km/h. Puis ce sera au Capitaine Hamilton PERRY de reprendre la barre. Carnet de bord :

  • 13 décembre 1872 : L'Adriatic secourt l'équipage épuisé d'un voilier de Glasgow. L'épave en dérive avec son gouvernail démoli, avait subit une violente tempête et menaçait de couler. L'Adriatic avait lui-même subit des dommages à son hélice.
  • 24 octobre 1874 : Après son voyage vers New-York avec à bord les frères SCHULTZ, le bateau repart en sens inverse. Au départ, il heurte un autre bâtiment, le Parthia. Il doit rebrousser chemin et faire des réparations.
  • 8 mars 1875 : L'Adriatic percute en pleine mer une goélette à trois mats, le Columbus. Le capitaine PERRY poursuit sa route sans s'arrêter ni porter secours malgré les appels du capitaine JONES du Columbus. L'équipage est finalement secouru par le navire Entreprise.
  • 31 décembre 1875 : Sous le commandement du capitaine JENNIGS, l'Adriatic entre en collision et coule le Harvest Queen. Le secteur est passé au crible. Aucun des 30 membres d'équipage du Harvest Queen n'est retrouvé. L'enquête blanchira l'Adriatic de toutes responsabilités, avec comme seul compte-rendu, celui fourni par son commandement.
  • 18 juillet 1878 : A 22 heures, en plein brouillard, près de Holyhead au Pays de Galles, l'Adriatic entre en collision avec le Hengist. Les deux navires peuvent continuer leur route. Quelques heures plus tard, l'Adriatic percute à nouveau un autre bâtiment, le brigantin Ga Pike. Le voilier à deux mats est littéralement coupé en deux. Il coule en quelques minutes. 5 des 6 membres d'équipages périssent. L'Adriatic poursuivi son voyage.
  • 24 mai 1889 : Patrick SHEA, un passager suicidaire, se jette par dessus bord. On descend une barque à la mer sans retrouver le corps du malheureux. 
  • 17 novembre 1897 : L'Adriatic quitte Liverpool pour son dernier voyage transatlantique. Après son retour de New-York, il est vendu à la ferraille et découpé en février 1899.

Parlons maintenant de quelques faits retentissants attribués au capitaine PERRY. Le soir du 19 mai 1877, Hamilton PERRY, capitaine à bord du Britannic ne peut distinguer dans le brouillard épais le navire Celtic. Malgré les appels des cornes de brume émis par les deux navires, la collision fut d'une rare violence. Le capitaine du Celtic avait ordonné « moteurs arrières toutes » dès qu'il aperçu le Britannic tandis que PERRY commanda de dépasser le Celtic en poussant les moteurs au maximum. La proue du Celtic s'encastra dans le flanc du Britannic. Le choc causa la mort de 6 passagers écrasés par les débris de poutres et de fer sur le Britannic. Avec ses 450 passagers, les autorités considérèrent de miracle qu'il n'y ai pas eu plus de pertes.

Le Britannic a été heurté sur le flan et sur la proue

Après la collision, le capitaine PERRY ordonna la mise à l'eau des chaloupes de sauvetage. Les femmes et les enfants furent invitées à prendre place. Un passager essayant de se frayer une place dans une embarcation fut rappelé à l'ordre par PERRY qui tira un coup de pistolet en l'air en signe d'avertissement. Malgré cette sommation, 15 machinistes coururent vers les embarcations et les descendirent à la mer. Voyant finalement que le navire ne coulerait pas, il revinrent à la rame et remontèrent sur le Britannic. La honte sur le visage, ils regagnèrent leur salle des machines. Le capitaine les accueillera au passage par ces paroles « Honte à vous ! ».

Capitaine Hamilton PERRY

Les deux navires escortés par le Marengo et le British Queen rejoignirent le port de Sandy Hook. Parmi les passagers du Britannic se trouvait Éléonore ROOSVELT, nièce du président Théodore ROOSVELT et future femme du futur président des Etats-Unis Franklin ROOSVELT. Alors âgée de 2 ans et demi, elle se trouvait en compagnie de ses parents et de sa tante. Criant et pleurant, elle refusa de monter dans une chaloupe pour se rendre sur le Celtic considéré plus sûr que le Britannic éventré. Éléonore garda la phobie des navires jusqu'à la fin de sa vie.

Eléonore ROOSVELT

Le capitaine PERRY débuta sa carrière de marin pour la White Star en 1853. Il reçu une médaille de la Humane Society pour avoir secouru d'une mort certaine en 1872, l'équipage du Allen. Il les secouru au milieu de l'océan en pleine nuit, avec leurs cales noyées et le gouvernail détruit. En 1876, il reçu une autre médaille pour avoir sauvé l'équipage norvégienne de l'Augusta. PERRY obtint le titre de Commodore par la White Star. Cela ne les empêcha pas de le mettre au placard en 1887.

Comme vous avez pu le constater, il y avait de l'action en mer à cette époque ! Il ne se passait pas une semaine sans qu'un navire ne fasse naufrage, coulait ou disparaissait tout simplement. La situation devint si banale que les journaux finirent par ne plus titrer que les histoires les plus marquantes. Il fallait du spectaculaire pour émouvoir encore les lecteurs : l'histoire du Titanic en 1912 les occupera pendant des semaines et fera les choux gras de la presse. Si on pouvait vider la mer pour compter les épaves....et leurs victimes et  naufragés !

A suivre ...

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.