Dans un article précédent consacré au gendarme Séraphin ROSFELDER originaire de Valff, nous avions relaté sa biographie pavée d'actes notables. Son dévouement lui valut la décoration en 1888 d'une médaille Militaire, gendarme de la Légion Compagnie de la Seine de Paris. Marié peu avant la déclaration de guerre entre la France et la Prusse en 1870, on lui connait deux fils. Ces derniers s'illustreront par une carrière militaire bien remplie. Les Rosfelder ont l'âme militaire. Ces garçons porteront le sang alsacien à travers le monde et l'un d'eux versera même le sien sur le sol français. Désireux d'en savoir plus ?
Un soldat voyageur
Débutons avec Séraphin Maximilien Désiré ROSFELDER.
Il naît le 29 juillet 1873 à Gentilly près de Paris (Val-de-Marne). Il tombera héroïquement sur le champ de bataille durant la Première Guerre mondiale en 1915. Que savons-nous de lui ? Suivons les dates marquantes de cet officier qui, comme beaucoup de soldats de sa génération, paya le prix ultime. Le soldat du haut de ses 1,65 mètre et aux cheveux noirs, visitera de nombreux pays :
- 1891 : il est soldat appelé 2ᵉ classe au 131 Régiment d'Infanterie
- 1892 : les promotions s'enchaînent : en février, il est promu caporal, en septembre, sergent.
- 1897 : il rejoint l'école militaire de l'Infanterie en tant qu'élève officier
- 1898 : Séraphin Maximilien Désiré endosse le costume de Sous-Lieutenant au 95ᵉ Régiment d'Infanterie et est promu lieutenant en 1900
Puis suivent des mutations successives :
- 1901 : 4ᵉ régiment d'Infanterie Marine suivi du 4ᵉ régiment d'Infanterie Coloniale puis le 22e et enfin le 1er Régiment de tirailleurs Tonkinois (Vietnam)
- 1902 : 3ᵉ Régiment d'Infanterie Coloniale
- 1903 : 1ᵉʳ régiment de tirailleurs sénégalais, il n'y a pas à dire : Désiré à la bougeotte, d'Asie, il se retrouve en Afrique. Du 4e Sénégalais, ce sera le 6e de Coloniale en 1908 puis récompensé par le grade de capitaine en 1909.
Il trouvera néanmoins le temps de se marier. C'est à Reims qu'il prononce le Oui avec Cécile LOESCH. Nous sommes le 21 juillet 1908. Désiré n'en a pas encore fini avec les voyages : 1910, ce sera le 3ᵉ Régiment Sénégalais, suivi du 4e Malgache en 1911, puis le 1er suivi du 8e Régiment d'Infanterie Coloniale en 1913.
Son épouse n'aura eu que le choix d'aimer les déménagements…
Ses campagnes :
- 1901 à 1903 : la guerre du Tonkin (Vietnam)
- 1904 et 1905 : Sénégal et la guerre en Mauritanie
- 1910 à 1913 : la guerre à Madagascar
Ses faits d'armes lui valurent plusieurs distinctions :
- Médaille Coloniale Afrique Occidentale Française.
- Chevalier de la Légion d'honneur avec avancement au grade de Capitaine
La Grande Guerre
2 août 1914. Déclaration de guerre.
Séraphin Maximilien Désiré est mobilisé au 23ᵉ Régiment d'Infanterie Colonial. Le 7, le régiment est envoyé au front. Il est composé, sous le commandement du colonel NEPLE, de 67 officiers et 2126 hommes de troupe. En départ de Paris via Revigny en voie ferrée, il est au contact avec l'ennemi près de Neufchâteau (Belgique) le 21 août 1914. Dans le village de Jamoigne-les-buttes, le 23e est stoppé par le feu nourri des allemands qui s'y sont positionnés. À chaque assaut, les français subissent de lourdes pertes et des grappes d'hommes succombent sous les rafales des mitraillettes. Certaines unités éparpillées arrivent néanmoins à progresser jusqu'aux premières lignes ennemies, mais n'atteindront leurs maigres objectifs qu'au prix de la perte de la quasi-totalité des officiers. Le colonel NEPLE est mortellement blessé. ROSFELDER lui aussi est touché. Durant l'assaut, lui et ses soldats ont investi une ferme occupée par des allemands. Maximilien est transpercé par un coup de baïonnette, souffrances inutiles pour une ruine…
Après la bataille, le lieutenant-colonel MAILLARD sera investi du commandement de l'unité.
Durant les mois de septembre et d'octobre, ce seront des affrontements quotidiens. Le Régiment finira décimé. Le 23, le village de Melzicourt est repris puis reperdu... à la baïonnette !
Le 11 décembre, la 1ʳᵉ compagnie reçoit l’ordre de nettoyer les tranchées ennemies au nord de Harazée, dans l’Argonne. Le carnage est total : tous les officiers sont tués. Les survivants de l’unité sont évacués en camion vers Saint-Crépin-aux-Bois, dans la vallée du Touvent.
Le 22 juillet, on transfère à nouveau le 23ᵉ régiment, mais cette fois vers Épernay. Sa mission : creuser des boyaux et terrasser le terrain en préparation d’une offensive massive dans la région de Massiges. Cette offensive est qualifiée par l'Etat-Major de « décisive ».
Ce choix stratégique n’est pas anodin : la Main de Massiges, position dominante entre Champagne et Argonne, est une véritable forteresse naturelle, défendue depuis 1914 et âprement disputée jusqu’en 1918.
Dès la repli allemand après la Marne, les combats se sont figés en guerre de position dans cette zone.
Durant l’été 1915, un violent assaut est mené pour capturer la cote 191, cœur de la Main de Massiges : le 23ᵉ régiment colonial s’est distingué dans des luttes acharnées, creusant boyaux et tranchées, perdant de nombreux hommes, mais consolidant sa position.
Le 24 et 25 septembre, le Régiment recomposé prend ses positions d'attaque. Il est 9 h 15 du matin. Après les tirs d'artillerie, le capitaine ROSFELDER porte son sifflet à la bouche. La bille vibre de tout son souffle, le son strident redouté déchire l'air. ROSFELDER grimpe sur le parapet, ses soldats emboîtent son pas...
Il ne le sait pas encore, il a rendez-vous avec la grande faucheuse. Les vagues d'assauts sont jetés à terre comme les blés mûrs, parmis les soldats, un officier est foudroyé : c'est Séraphin Maximilien Désiré ROSFELDER. Nous sommes le 25 septembre 1915. L'assaut sera un échec parmi les échecs. Englués, entremêlés, des hommes de toutes nations, pourriront dans la terre et la boue. Les corps mutilés, déchiquetés, broyés, une tuerie programmée, un tir aux pigeons dont les pigeons étaient des hommes. ROSFELDER lui, n'en saura plus rien… Ce 25 septembre restera dans les annales comme le jour le plus meurtrier de toute la Première Guerre.
Pour toute consolation, on remettra à sa famille le souvenir d'une Légion d'honneur. Belle consolation ! Sa veuve devra se battre pour recevoir la pension promise... pour survivre. Cécile LOESCH se remariera en 1921.
En 1918, dans la grande contre-offensive française, la Main de Massiges est reprise le 25 juillet, près d’un mois après le transfert sur les arrières du régiment à Épernay.
Un héritage militaire
Le frère
Le second fils de Désiré ROSFELDER et Esther Victorine CHAMAULT s'appelle Georges. Georges ROSFELDER naît le 25 octobre 1876 à Châtillon dans le canton de Sceaux (Seine). A sa naissance, sa mère avait déjà 41 ans. Il se marie en 1913 avec Marie Bénédictine Pauline JACQUEMONT et divorcera en pleine guerre en 1917 pour se remarier en 1921 avec Jeanne Adine BOURCIER. Le couple restera sans enfants. Il décède le 27 septembre 1948 à Albertville en Savoie.
Carrière :
- 1895 : école militaire à Montreuil sur mer
- 1897 : engagé volontaire pour 5 ans au 8e Zouave puis 1er Régiment de Marine, promu caporal puis sergent puis adjudant-chef fourrier
Campagnes :
- Algérie
- Tonkin
- Madagascar
Ses faits d'armes lui valurent également plusieurs distinctions :
- Médaille militaire le 11 novembre 1911
- Croix des combattants volontaires
- Citation à l'ordre du 1er Colonial,
- Chevalier de la Légion d'honneur le 24 août 1921
- Service : 26 ans et 26 campagnes
2 août 1914. Déclaration de guerre entre la France et l'Allemagne. La Grande Guerre donne lieu à la création de nouvelles unités. C'est ainsi que l'on retrouve George durant les premières années dans un Régiment d'Infanterie Territorial (R.I.T.).
Le 27 juillet, le 286ᵉ Régiment d'Infanterie Territoriale lève le camp de la Courtine par voie ferrée, le camp retranché de Paris pour rejoindre le front. Le sous-lieutenant adjudant-chef Georges ROSFELDER issu du 89e R.I.T. est instructeur au peloton des officiers de Marine. Il prend le commandement de la 4e compagnie le 25 juillet en remplacement du sous-lieutenant DUMONT décédé. L'effectif du Régiment est de 29 officiers, 1744 hommes de troupes, 52 chevaux et 14 voitures. Les soldats sont équipés de vieux fusils de 1874. L'armée les dote de fusils plus récents.
2 octobre. Le 286ᵉ est transféré en premières lignes à 10 km de Montdidier.
Le 3 octobre, le sous-lieutenant ROSFELDER est évacué à l'hôpital de Montdidier pour maladie. Des séquelles du paludisme ramené des colonies. Pendant ce temps, les soldats du 286e approfondissent, creusent de nouvelles tranchées et posent des barbelés.
Le 3 novembre, le Régiment est retiré du front. Livraison de mitrailleuses et enfin… de casques !
11 octobre, enfin les renfort arrivent avec 400 hommes de troupes.
21 mars 1916. Le sous-Lieutenant ROSFELDER sort de convalescence et rejoint la 9e Compagnie. Georges s'illustre ! Le général de division le félicite pour acte de bravoure. On l'appellera au téléphone pour lui annoncer que la hiérarchie aurait fait une demande de Légion d'honneur.
Il attendra 1921 pour l'avoir !
Le 30 avril 1916, un 286e Régiment d'Infanterie famélique et exsangue est dissous. Georges passe au Génie, mais est à nouveau transféré au 286e reconstitué sous sa direction. Du 1er février au 30 avril, on le retrouve au 22e bataillon Indo-Chinois puis jusqu'en décembre 1918 au bataillon Sénégalais. Pourtant déclaré inapte en janvier 1917, Georges insistera vigoureusement pour poursuivre à servir au front. Sa demande sera finalement acceptée avec la pression de ses anciens officiers.
Il est transféré au 103ᵉ Régiment Sénégalais, mais sous réserve et en qualité de volontaire. Le Régiment subira également de grandes pertes lors de l'offensive du 15 juillet 1918. Finalement, Georges est nommé Lieutenant d'Infanterie Territoriale Honoraire au 141e Régiment d'Infanterie.
Après la guerre, il est démobilisé et travaillera comme employé des Postes à la Roche-sur-Yon (Vendée) jusqu'à sa mort en 1948.
Depuis des générations, la famille ROSFELDER de Valff, plus que tout autre, a produit ses militaires. Pourquoi ? Pour l'exemple et la gloire des anciens ? On ne sait !
Tombe à Albertville d'Adine BOURCIER et George ROSFELDER
Crédits et sources :
- Gallica
- Base Léonore, ministère de la Défense
- Généanet
- Remerciements à Mme Vanessa RYCKELINCK bureau de la Grande Chancellerie