Portrait présumé de Louis ENGILBERT de la MARCK, colonel du régiment du même nom (crédit photo : www.muzeo.com)

Comme vous avez déjà pu lire (voir dans l'article : Jean-Jacques ROSFELDER, mercenaire du Roi), quelques jeunes hommes de Valff ont franchi le pas d'une carrière militaire. Jean MARTZ est de ceux là. Né le 5 avril 1761, il est le second fils de Mathias, agriculteur, et de Barbara UTZ, sa deuxième épouse. Il décède le 22 décembre 1783. Sa famille est composée des enfants des deux unions.

Acte de décès de Jean MARTZ

A une période inconnue il s'enrôle dans le Régiment privé de La Marck. A-t-il été encouragé par Jean ROSFELDER militaire de carrière et retraité à Valff ? L'unité de La Marck est un régiment d'infanterie allemand. Créé en 1680, il est au service du Royaume de France. Armée privée, le régiment change de nom dès que le colonel-propriétaire à sa tête change. Louis ENGILBERT, comte de La MARCK en prend la direction le 29 avril 1729. Ce dernier succède à son père le comte Louis Pierre ENGILBERT. Militaire et noble ça aide, la montée en grade est fulgurante : de brigadier en 1735, il passe Maréchal de camp en 1740 et lieutenant général des armées du Roi en 1745 : rien que ça ! 

Habillé, nourri, rémunéré et parfois logé si ce n'est les pique-niques en rase campagne et sur les champs de batailles, Jean MARTZ fera toute sa brève carrière dans l'armée. La vie n'était pas toujours idyllique. Outre le solde de 4 livres 6 sols, cette somme est transformée, lorsque l'unité était en marche, en solde en nature. La ration journalière se composait de 24 onces de pain souvent rassis, d'une demi livre de viande et d'un pot de bière de cidre ou de vin. On pouvait lui ajouter éventuellement une livre de tabac par mois (Inventaire du XVIIIe).

Les soldats d'infanteries étaient équipés d'un fusil haut de 4 pieds 10 pouces 10 lignes monté sur crosse en noyer. Ils  disposaient d'un stock de 18 balles qui lançaient le projectile d'une précision maximale de 18 toises (environ 35 mètres). Parfois équipés d'une épée, ils disposaient aussi pour la recharge, d'une poire remplie de poudre. Il fallait introduire la poudre dans le fusil, tasser avec une baguette, introduire la balle enrobée d'un morceau de tissu graissé pour étanchéifier le canon puis amorcer le percuteur. Inutile de préciser que l'opération de chargement pouvait vous paraître une plombe lorsque l'armée en face vous fonçait dessus épée ou baïonnette en avant ! Peu de soldats mourait directement par balle mais plutôt par suites des infections dues aux éclats de tissus et poudres éparpillés dans le corps. La gangrène signifiait l'amputation. Inapte à l'armée, le retour au foyer, s'il y en avait un, était la dernière issue.

Le régiment se déplaçait avec tout un barda : pelles, pioches, serpes, haches, marmites, bidons, gamelles, fourches, tentes de toiles etc ... L'uniforme devait toujours être nickel, donc lessive et toilette étaient de rigueur. Un juste au corps aspirait la transpiration. C'était une vie à part. Peu de soldats étaient mariés. Si c'était le cas, ils se mariaient pendant les périodes de paix dans les villes de garnisons et le plus souvent avec des femmes qui suivaient les déplacements et les servaient comme cantonnières ou autres.  

Jean MARTZ ne profita pas longtemps des joies de l'uniforme. Il décédera à seulement 22 ans. Pauvre Jean ! Sa mère découvrira la nouvelle en 1785 soit deux ans plus-tard. C'est par une missive du révérend Paul, administrateur des affaires spirituelles du Régiment de La Marck qu'elle a apprise la triste nouvelle. Elle insistera pour que sa mort soit inscrite par le curé André SCHECK dans les registres de sépulture de l'église à Valff, la supplique de désespoir d'une mère. Elle aura du bien insister car le curé mentionnera sa supplique dans l'acte ! On y apprend que Jean est mort sur une île. Laquelle ? Impossible à déchiffrer. En 1783, la France récupéra de la part des Anglais des territoires aux Antilles. Le curé pourtant si lettré a un coup de mou, son écriture est quasi illisible. Qu'importe ! Jean aura eu les derniers sacrements avant de mourir et a été inhumé dans une église sur la fameuse île ... Signerons la mère (par une croix) et son frère aîné et célibataire François Antoine.

Jean MARTZ fait partie des représentants d'une série de soldats de métier de la famille MARTZ. Vous apprendrez plus de détails dans d'autres articles. A suivre ...

PS : Tous nos remerciements à Christian VERDIER du site Généanet pour sa traduction latine.

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.