Saviez-vous qu'à quelques encablures du village est enterré une voie romaine ? Dans ses mémoires personnelles, notre regretté historien André VOEGEL a relaté l'épisode d'une fouille digne d'un volet à la Indiana John's à l'alsacienne. Extrait.

Souvenirs d'André

Au début du mois de juin 1990, mon jeune ami Rémy et moi-même avons entrepris de dégager une voie romaine qui passe près de Valff. C'était une opération qui nous intriguait depuis longtemps. Tout le monde parlait de la voie romaine et personne ne l'avait jamais vu, et nous, nous voulions, une fois pour toute, en avoir le coeur net. La Vox Populi voulait que le chemin dit Ehlstrasse (Olstross) était une ancienne voie romaine. Cette dénomination vient du nom du village de Ehl, important site romain à côté de Benfeld. Cette route ou chemin venant du fortin du Mont Sainte Odile et qui, à mon avis, est un ancien chemin celte, passe par Bourgheim, Valff, le Holzbad, pour rejoindre finalement la grande voie consulaire romaine de Ehl (anciennemnt Hellelum).

Avant de commencer nos investigations sur le terrain, Rémy à l'aide d'une barre en fer a procédé à des sondages dans les champs. Finalement nous sommes tombés sur la voie en question à environ 30 mètres à côté du chemin actuel contournant le village à une profondeur environ de 80 à 100 cm. Après un premier décapage à la machine, il fallu finir les travaux à la main. Nous trouvâmes effectivement une voie d'environ deux mètres de large, pavée de gros galets du Rhin conformément à la description classique des voies romaines. Rémy eut la bonne fortune de trouver une monnaie romaine de l'empereur Titus Flavius Vespasianus, qui succéda à Néron en l'an 69 après J.-C. Ce dernier avait exercé différents commandements sur le Rhin (1).

Sesterce de Vespasien. Vespasien est connu a tort pour avoir inventé les vespasiennes ou urinoirs publics. En réalité il a imposé une taxe sur l'urine collectée par les foulons pour fabriquer de l'ammoniac

A propos de cette voie romaine dénommée Ehlstrasse, je voudrais relater une légende relevant de la tradition orale. Dans le château de Valff vivait un seigneur très méchant, appelé Houdada. Après sa mort et compte tenu de sa mauvaise conduite sur terre, il fut condamné à hanter chaque nuit la Ehlstrasse, chemin qui passait non loin du château. Vers minuit, on peut apercevoir Houdada chevauchant un cheval ardent le long de ce chemin. D'après le récit populaire traditionnel, plus ou moins fabuleux, Houdada serait enterré sous une plaque en grès des Vosges près de la porte d'entrée de l'église St Blaise, côté Sud. En 1996, j'ai installé dans la grande salle de la Mairie de Valff un mini musée des vestiges de ma collection privée, des vestiges mis à jour lors de nos fouilles archéologiques.

L'anecdote de Rémy

J'aimerai partager une anecdote amusante au sujet de ces fouilles. Au fond de la tranchée que nous avions dégagé, j'ai entrepris de démonter les pavés de galets tout en répertoriant leur emplacement pour  les replacer par la suite. Le lit de galets laissait entrevoir deux cuvettes parralèles de part et d'autre de la voie, les endroits usés par le passage des roues de charrettes. Sous ces galets, une fouille à la petite truelle comme à la télé m'a permis de découvrir un petit morceau écrasé d'un harnachement de cheval en bronze ainsi que le crâne d'un animal plus que bizarre. Intrigué et fier comme un Christophe Colomb, je me suis rendu dans la foulée avec ma femme au musée zoologique de Strasbourg pour expertise. Dès l'entrée du bâtiment, ma fierté a encore décuplée lorsque j'ai ouvert ma boite à chaussure dans laquelle trônait douillettement mon crâne sur un lit d'ouate blanche et que les yeux admiratifs de la femme à l'accueil se sont équarquillés au rapport de ma trouvaille. Normal ! On aurait dit le crâne d'un gremlins avec une crête osseuse partant de l'arrière au centre du crâne et se poursuivant vers l'avant jusqu'à quelques centimètres des trous des orbites. Grimpant presque deux par deux les marches menant à l'étage où on m'avait indiqué la présence d'un fameux professeur, nous nous sommes retrouvés au milieu d'une collection impressionnante d'animaux empaillés. Je n'avais des yeux que pour ma boite à chaussure, pas le temps visiter ! Le professeur a jeté un rapide coup d'oeil à mon trésor que je lui ai présenté fébrilement et m'a sorti froidement : « C'est un chien ! ».

Mon rêve de gloire et d'honneur s'était pulvérisé en un instant. Un chien ... boouuuuuuu. Même pas un tout tout petit, petit gremlins, un vulgaire crâne de chien à tête de crête ! Je me suis, par la suite, consolé en me disant que c'était peut-être le chien qui avait mordu le mollet de Jules César ! [à lire : Avé César, les habitants de Valva te saluent !].

Crâne de chien St Bernard

Afin de rassurer les personnes qui penseraient, à juste titre, de l'inopportunité de cette fouille sauvage, j'aimerai ajouter que nous avons, par la suite, signalé l'endroit et notre entreprise aux archéologues du centre archéologique de la DRAC situé au Palais du Rhin de Strasbourg. La localisation exacte de cette voie romaine leur était inconnue. 

(1) Rectificatif : C'est Adolphe VOEGEL (255 rue Principale) qui a trouvé la pièce de monnaie romaine de l'époque de Vespasien devant sa maison lors de l'aménagement de la tranchée pour la canalisation des eaux pluviales

Sources : Mémoires d'André VOEGEL

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.