Le monument aux morts du village affiche gravées d'or, les colonnes d'enfants du pays, victimes des grands conflits du XXe siècle. Mais le mémorial est incomplet. De récentes recherches permettent d'allonger théoriquement les patronymes.

La recherche

Le site « Mémoire des hommes » liste les noms de disparus des conflits qui ont bouleversé l'histoire de la nation. Malgré leur engagement dans les unités allemandes, c'est aussi le cas d'Alsaciens Lorrains enrôlés de force. Mais dans ces relevés, nos recherches ont abouti à la découverte de victimes de Valff oubliées, et pas seulement ayant combattu sous l'uniforme de la Wehrmacht mais aussi sous l'uniforme français.

Morts pour la France : la famille MONSCH

Une malédiction flotte sur la famille MONSCH. 1918, Jean MONSCH se rend à la mairie de Valff pour déclarer la mort de son fils de 5 ans, Otto Ernest. La grippe espagnole sème la mort et la maladie dans le village. Tous les deux jours de ce mois d'octobre, une colonne mortuaire s'étire en direction du cimetière. Rien qu'en octobre, 14 noms seront inscrits dans les registres de décès. On se soigne comme on peut : il paraît que seuls ceux qui boivent du jus de choucroute s'en sortent ... Le père MONSCH originaire de la Bavière est un précurseur. Il est agriculteur et conducteur de camion en ce début de siècle. Le nom de son épouse est Maria MEYER. Ils se sont promis fidélité en 1911. Maria est une fille de Valff âgée de 28 ans, Jean en affiche seulement 20. Les deux tourtereaux sont seuls, tous deux ont perdu pères et mères. Il faut dire que les circonstances de leur union sont pressantes : 1 mois et demi avant leur mariage, Maria a mis au monde son premier-né nommé Jean Luzian. Reinard, leur deuxième fils naîtra un an plus-tard suivi d'Otto Ernest en 1913 qui décèdera en 1918. Leur troisième fils a pour nom Ernest. Anne Marie complétera la fratrie en 1922. Après cette date, la famille déménage à Strasbourg. Les travaux d'extension du tramway ont ils peut-être encouragés ce choix ? A-t-on eu besoin d'un conducteur de camion ? Ils s'installeront dans la petite rue des Courses, puis dans la rue Déserte près de la gare.

Ernest MONSCH leur fils né en 1919 est enrôlé de force pendant le Seconde Guerre. Envoyé sur le front russe, il est fait prisonnier et incarcéré au camp de Tampov en Russie. Il ne survivra pas aux conditions extrêmes et s'éteindra des suites d'une dysenterie aiguë fin mars 1945. Il fait partie des quelques 5000 estimés dits "Malgré-nous" morts dans ce camp spécialement aménagé par les russes pour les Alsaciens-Lorrains et Luxembourgeois.

Reinard (René) MONSCH né en 1912 a l'âge de servir dans l'armée. Nous sommes début 1940 durant cette période appelée « la drôle de guerre ». La France a déclaré la guerre à l'Allemagne suite à l'invasion de la Pologne mais rien ne se passe. Renéa donc le temps d'écrire à sa femme Frida qu'il a épousé en 1936. Il est incorporé au 158e Régiment d'Infanterie. L'unité installée à Strasbourg et à Mutzig est déplacée d'urgence dans le Nord. Les allemands viennent d'envahir brusquement la Belgique et menacent maintenant nos frontières. Les divisions allemandes et surtout la 7e division blindée commandées le général Rommel avancent tel un rouleau compresseur.

Traversée des troupes allemandes du canal de la Bassée le 26 mai 1940

Les armées françaises sont écrasées. Une des dernière défense française et anglaise disponible est réorganisée à la hauteur du canal de la Bassée. Il faut coûte que coûte empêcher les allemands d'encercler Lille. Ce qui reste du 158e Régiment dans ce secteur est la 6e compagnie. Elle est installée en ligne à Marquillies et Salomé, quartiers des faubourgs de Lille. La 6e compagnie est disposée le long de la voie ferrée, à côté des hommes du 1er BCP (Brigade des chasseurs à pied) au lieu dit d'à propos : « le loup pendu ». René et ses camarades attendent fébrilement l'arrivée des allemands. Dès le 25 mai, les avant-postes les repèrent à Billy-Berclau. Dans la nuit du 26, les anglais quittent subitement leurs positions et se replient direction la Manche pour une évacuation sauve-qui-peut : c'est l'opération « Dynamo ». Vers cinq heures du matin, les allemands traversent le canal avec des canots pneumatiques et pénètrent dans Salomé.

Replis des troupes anglaises

Soldats français 

Epaves entassées après la bataille pour la prise de la ville de Lille

A 7h30, de nombreuses sections du 1er BRP sont anéanties. L'ordre est donné de tenir au moins jusqu'au milieu de l'après-midi. Vers 10 heures, la 6e compagnie de MONSCH et la compagnie du 131e RI est appelée en renfort dans le bois de Lestarquit. Les allemands attaquent de tous fronts. A 15h30, l'ordre est donné de se replier sur Fournes. Dix neuf hommes de la 6e compagnie ont été tués ce jour là. Parmi eux se trouve le soldat René Monsch. Une quarantaine est blessée, le reste est fait prisonnier. A Salomé on comptera 51 morts français.  Fin d'une journée de guerre.

Troupes allemandes lors de la bataille de Lille

Autobus détruit à Salomé

Histoire banale d'une bataille si le général ROMMEL qui a dirigé l'attaque, n'avait côtoyé la famille MONSCH à Valff ! Il était, en effet alors jeune capitaine, stationné dans notre village au court de la Première Guerre [en savoir plus : Il s'appelle comment l'officier qui loge chez toi ?]. Curieux clin-d'oeil sinistre de l'histoire. Le père MONSCH n'aurait sûrement pas imaginé que l'officier qu'il voyait et admirait, chevauchant fièrement son cheval blanc autour du village, allait quelques années plus-tard, être impliqué dans la mort de son fils. En plus, le village de naissance du futur Feldmarschall ROMMEL se situe à seulement 150 km du village de Fürth en Bavière d'où est originaire MONSCH ; des voisins presque ! Peut-être ont ils même échangés quelques bons souvenirs. Cruelle destinée ...

Le nom de René MONSCH n'est pas totalement oublié. Il est gravé aujourd'hui sur un mémorial érigé à Marquillies.

Voilà tout le déroutant de cette guerre: un fils qui combat dans l'armée allemande et son frère de l'autre côté dans l'armée ennemie française. Tout un paradoxe !

Mais la liste des oubliés n'est pas terminée. Ne manquez pas la suite de nos recherches !

Sources :

  • Mémoire des hommes
  • Mémoires de la famille MARGENSEAU

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.