Dès les premiers jours de l'occupation nazie en 1940, arrivait déjà un haut fonctionnaire civil allemand, le réputé Robert WAGNER ainsi qu'une vieille connaissance des membres du parti autonomiste alsacien, le Dr ERNST, de souche alsacienne, le chef de la ligue des Alsaciens-Lorrains du Reich, et qui devient le responsable des services de propagande nationale-socialiste en Alsace.

Robert WAGNER, ancien instituteur, vieil ami personnel d'Adolf HITLER, était auparavant Gauleiter (Préfet) administrateur civil de la province Bade-Wurtemberg. Dorénavant, il sera le tout puissant Gauleiter et Reichsstatthalter de l'Alsace. La machine administrative nazie se mettait en route, et le sort réservé aux provinces de l'est apparaissait très clair. Annexer l'Alsace au grand Reich allemand, malgré les clauses de l'armistice, signé le 22 juin 1940 qui stipulait que le territoire français resterait intact jusqu'à la signature du traité de paix. Mais que signifiait un traité sur un bout de papier, rien, vis à vis d'un Führer aux ambitions d'un empire millénaire.

Retour du Mark

Très vite, quelques jours après l'armistice un taux de change est instauré unilatéralement à 20 frs pour 1 mark, soit plus du double de la valeur d'échange de 1939. Cette mesure constitue une spoliation de l'économie alsacienne. Le pouvoir d'achat baisse à un moment où les prix s'alignent sur ceux du Reich. Dans le milieu rural, l'incidence n'était pas très troublante, la population étant habituée à vivre plus ou moins en autarcie et de n'acheter que le strict nécessaire à la vie de tous les jours. On était tellement persuadé que l'occupation ne durerait que quelques mois, que mes parents n'échangeaient des francs contre des Reichsmark que dans une faible mesure. Les économies placées sur livret d'épargne faisaient l'objet d'un change automatique. La tradition voulait qu'on garde toujours des sommes relativement importantes chez soi en grandes coupures de mille francs. Je vois encore ces coupures de couleur bleue, jalousement conservées derrière la glace de la Stub. On les appelait en dialecte les « Bleujie Lappe » les chiffons bleus. Pendant toute la guerre nous conservions l'argent français, nous considérions que les Marks n'avaient aucune valeur après les hostilités. Personne ne pouvait imaginer que le conflit allait s'éterniser sur presque cinq ans, certains présidaient que les moineaux (surnom alsacien pour les allemands) seraient chassés dans les six semaines.

Robert WAGNER, va réaliser en un temps record, avec des moyens importants la remise en état de l'agriculture, de l'économie pour les réintégrer à celles du Reich. Le slogan de la propagande nazie précisait que l'intégration se ferait « Nach dem Muster des Altreichs im Elsass », ce qui voulait dire « d'après le modèle du Reich en Alsace ». Dans le même temps, plus d'un demi-million d'alsaciens évacués, réfugiés, prisonniers ou mobilisés dans l'armée française vont pouvoir rentrer chez eux pour mener à nouveau une vie normale.

Au fil des jours, les fonctionnaires non alsaciens sont expulsés et leurs mobiliers et biens vendus, les biens français confisqués. Le 13 juillet 1940, Wagner décrète que les lois raciales du Reich entraient en vigueur en Alsace. Immédiatement, plus de 1000 juifs furent expulsés avec pour seuls bagages une valise et 2000 frs de l'époque. Tous leurs autres biens furent saisis. Une famille juive du village fut transféré en zone libre française et passait toute la guerre dans la région de Grenoble, mais non sans difficultés. Après les hostilités, la famille entière a regagné le village. Un de mes copains de classe à l'école de Valff mais dont les parents sont partis habiter à Barr, avait disparu de façon mystérieuse pendant la guerre, il s'appelait Roger WEIL [en savoir plus : Les derniers juifs de Valff pendant la Seconde Guerre Mondiale], il avait le tort d'être juif.

Les villes, les villages, les rues, les noms de famille, les prénoms devaient être changés pour avoir une consonance allemande [en savoir plus : La germanisation des noms et expressions], comme avant 1918. Valff devait s'écrire Walf et notre nom de famille avec Umlaut VÔGEL. Le prénom Roger, par exemple, n'existe pas en allemand, il a été rebaptisé en « Rüdiger ». Or, Rüdiger en dialecte signifie « galeux », d'où cette blague-alsacienne circulant pendant la guerre. Dans une famille du nom de SCHWOB qui signifie en dialecte « Boche » leur fils se prénommait Roger, il s'appelait dorénavant Rüdiger SCHWOB ce qui voulait dire « boche galeux ».

L'organisation nazie se met en place

Dès le mois de juillet 40, à l'image du Reich, l'organisation politique a commencé à se mettre en place. L'introduction de la NSDAP (National Sozialistische Deutsche Arbeiter Partei) d'où l'abréviation NAZI, devait donner aux alsaciens la participation à son destin. Dans notre village la mise en place de l'organisation politique pose problème. Il faut trouver un Ortsgruppenleiter (responsable du parti) et en même temps un Bürgermeister (Maire), un Ortsbauerführer (responsable agricole), il faut créer la SA (Sturmabteilung) section d'assaut, la HJ (Hitlerjugend - jeunesse hitlérienne), la BDM (Bund deutscher Mâdel - association des jeunes filles allemandes), la NSKK (National Sozialistische Kraftfahrer Korps - corps motorisé), le Opferring (cercle de l'offrande, la NS Frauenschaft (association des femmes nazis).

Dans un premier temps, l'agriculteur Joseph ANDRES, habitant rue Principale n°123, est nommé Otsgruppenleiter. L'ancien Maire Charles RIEGLER a été démissionné par l'administration allemande. ANDRES avait accepté ce poste sous la pression du Kreisleiter (Sous-Préfet), mais peu de temps après il trouva la parade en donnant sa démission en raison de sa charge familiale importante, il avait 6 enfants. Il fut remplacé par Auguste MEYER, rue Principale n°184, qui remplissait cette fonction jusqu'à la libération. On ne pouvait rien reprocher à Auguste MEYER après la guerre, bien qu'il ait été inquiété un peu par les FFI (Force Française Intérieure) qui a voulu faire un peu d'excès de zèle et de patriotisme. Il dut se cacher pendant quelques jours, les journées folles de la libération.

L'Ortsbauernführer Albert LUTZ était un important agriculteur du village. Sa fonction était de diriger et guider les agriculteurs conformément aux instructions du Kreisleiter. A partir de là, il était aussi responsable des produits agricoles cultivés. Obligation a été donnée à chaque agriculteur de livrer une partie de la récolte à l'administration et ceci au prorata des surfaces cultivées. Une ou deux fois dans l'année, on contrôlait le stock de pommes de terre, le nombre de bêtes à cornes, les poules, les lapins, les cochons etc. Le Ortsbauernführer était toujours avisé du jour de passage des contrôleurs. Il en informait quelques agriculteurs et la nouvelle se répandait à la vitesse grand V. Le trop plein de poules, de bêtes à cornes etc ... fut transporté en lieu sûr à la barbe des contrôleurs. Pendant toute la guerre une solidarité exemplaire s'était mise en place entre toute la communauté villageoise. Aucune dénonciation s'est produite pendant toute la période d'occupation. La seule personne ayant un peu collaboré était le meunier HERRMANN. Il n'était pas de Valff mais exploitait le moulin depuis de longues années et pourtant il vendait de la farine au noir. Autant que je sache, il n'avait dénoncé personne, mais fut interné après la guerre dans le camps de Schirmeck. Ses prises de positions favorables au nazisme étaient trop connues de la population et pour certaines personnes c'était une période rêvée pour une vengeance sauvage.

Les formations politiques existantes au village :

  • La section d'assaut (SA) était composée de 3 à 4 personnes, dont une qui y adhérait subtilement, car à la guerre de 14/18 il était déserteur de l'armée allemande,
  • La jeunesse hitlérienne (HJ). Bien que l'ordonnance du Gauleiter du 2 janvier 1942 rendait obligatoire l'adhésion à ce mouvement, un seul adhérent portait l'uniforme, l'adolescent n'était pas de Valff,
  • L'association des jeunes filles allemandes (BDM) ne comptait que deux filles dont l'une était la fille du déserteur cité, de la même classe que moi, l'autre était sa copine, née à Paris,
  • La section de protection affiliée au parti (SS) inexistant au village,
  • Le corps motorisé (NSKK) ; quelques adhérents par nécessité absolue professionnelle,
  • L'association des femmes NS (NS Frauenschaft) ; aucune adhérente connue,
  • Le cercle de l'offrande (Opferring) créé par le Gauleiter WAGNER le 1er octobre 1940 est nommé malicieusement par les alsaciens « Cercle du sacrifice ». Dans un premier temps WAGNER ne voulait pas recevoir des alsaciens dans le parti. L'Opferring remplace donc provisoirement le parti jusqu'en 1942, date à laquelle toute l'organisation de la NSDAP est mise en place. Le nombre de personnes adhérentes est inconnu, mais certainement plus importante que pour les autres formations politiques. Les hommes de l'Opferring ne portaient pas d'uniforme, mais étaient astreints à faire la quête publique pour le WHW (Winter Hilfs Werk - Secours d'hiver). Les quelques hommes qui ont pris en charge l'organisation politique du village pendant l'annexion, était le résultat d'une contrainte incessante exercée par l'appareil politique et policier de l'Etat totalitaire nazi. Un certain nombre de communes alsaciennes étaient administrées par des ressortissants du Reich, ce qui n'arrangeait certainement pas les choses. Lors de certains rassemblements politiques, qui étaient nombreux, ces responsables villageois étaient dans l'obligation de participer en uniforme à ces manifestations. Ces hommes uniformisés étaient nommés dans le langage alsacien les (Gold Fasanen - faisans dorés) à cause de la couleur de l'uniforme et du couvre chef Parmi la population, il existait quand même une certaine suspicion vis à vis de ceux qui acceptaient de jouer le jeu de l'occupant. On pouvait légitimement se poser la question, est-ce qu'ils ont accepté par conviction politique ou est-ce qu'ils ont pris une assurance tous risques au cas où ?

Par une ordonnance du mois d'août 40, le Gauleiter interdit aux alsaciens toute écoute de stations radiophoniques étrangères. Un certain nombre d'appareils radios furent d'ailleurs confisqués dans la commune et entreposés à la mairie. Pendant toute la guerre, mon père écouta les informations diffusées par les stations suisses, radio Beromunster, mais surtout les diffusions en langue allemande en provenance de Londres. Les émissions anglaises étaient toujours brouillées mais on pouvait quand même capter les informations essentielles. L'écoute d'informations étrangères était très dangereuse, toute personne propageant délibérément de ces nouvelles était passible de travaux forcés, camps de concentration, etc. A Valff, par exemple, on n'a jamais connu l'informateur à l'administration allemande des personnes politiquement douteuses, victimes de la saisie des appareils récepteurs. D'ailleurs, la Vox Populi prétendit qu'il existait quand même dans la commune une ou deux personnes non identifiables, qui informaient l'administration. A mon avis, cette suspicion n'a aucun fondement puisque aucun événement politique malveillant n'a été constaté pendant l'occupation.

Propagande nazie

Dès la fin des hostilités, l'armée allemande récupéra le matériel militaire non dangereux. C'est ainsi qu'un centre de récupération fut installé à Ebersheim sur une grande prairie. D'ailleurs le village était encore évacué. On y trouvait des chevaux, des harnachements, des chariots, bref du matériel utilisable en agriculture. Mon cousin Fernand et moi-même avions eu vent de l'existence de ce centre et nous nous y rendîmes en vélo. Quelques soldats de la Wehrmacht assuraient la surveillance, mais sans plus. Chacun pouvait se servir à sa guise. Nous avions fait main basse sur deux chevaux avec harnachement complet. L'un des deux chevaux était un « Fuchs » roux, d'une constitution très robuste et l'autre un « Rapp » cheval noir ou moreau, de constitution un peu plus faible mais de belle allure. Plus tard, Fernand devait céder le Rapp à un agriculteur du village dont le cheval avait été réquisitionné par l'armée française. Fernand et oncle Eugène purent garder le moreau en compensation de celui pris par l'armée. Ce qu'il faut surtout souligner, c'est que cette opération était totalement gratuite et faisait bien sûr partie de la philosophie de propagande nazie dans le cadre d'une incitation à l'idéologie du IIIe Reich.

Dans ce même ordre d'idée, on peut également citer la récupération de toutes les machines agricoles de toute la zone évacuée et qui traînaient tout le temps sous les intempéries. Ces machines furent stockées au centre du génie à Obernai (anciennement usine Supra). Ces machines, une fois réparées dans les ateliers JOST à Valff, furent mises à la disposition gratuite des agriculteurs évacués. Toutes ces opérations devaient susciter parmi la population une implication affective vis à vis du nouveau système mis en place en Alsace.

La Strassburger Neueste Nachrichten était un des seuls quotidiens à paraître en Alsace. Ce journal parut pour la première fois le 8 juillet 1940 et était installé dans les locaux des Dernières Nouvelles de Strasbourg mis sous séquestre. A partir de novembre 1942, Franz MORALLER devint le nouveau rédacteur en chef. Tous les alsaciens de mon âge se rappellent encore de ses articles fumants à coups d'arguments « frappants » pour prêcher aux Alsaciens les bienfaits du nazisme. La Strassburger N. N. était le Regierungsanzeiger für das Elsass (organe officiel du gouvernement). Le vocabulaire employé est celui d'un embrigadement qui cherche à entraîner les alsaciens contre le bolchevisme et la ploutocratie « Kampf gegen den Bolschewismus und die Weltplutokratie » tel était le Leitmotiv. Un autre exemple gravé dans ma mémoire est une affiche placardée sur les murs du village concernant une conférence ayant comme thème « Sepp Schirpf spricht über das Thema, die Grosse Wende im Elsass » (le grand tournant en Alsace).

Fermeture des restaurants

N'ayant pas d'interdiction officielle, les Alsaciens continuèrent de plus en plus à porter le béret basque, à tel point que Robert WAGNER le Gauleiter, se vit obliger de notifier cette interdiction par la voie d'un arrêté, publié le 19 décembre 1941, décrétant ainsi que le port des coiffures françaises (béret basque) était désormais interdit en Alsace. C'est à cette époque que fleurirent les fameuses affiches sur lesquelles le service de propagande nazie avait représenté tous les objets, habillement etc ... d'inspiration française avec le slogan : « Hinaus mit dem welschen Plunder » (dehors avec les frusques welsch). Cette affiche avait inspiré Hansi, le dessinateur et écrivain alsacien (1873 - 1951) après la guerre de publier une affiche similaire en couleur avec l'inscription « hinaus mit dem deutschen Plunder » (dehors avec les frusques allemandes).

Des difficultés toujours croissantes rencontrées par la machine de guerre de l'occupant, dans le cadre de la mobilisation de toutes les forces du Reich, un texte du 4 février 1943 prévoyait la fermeture des commerces et autres affaires jugés non indispensables à l'économie ou à l'industrie de la guerre. En application de cette mesure, deux auberges du village devaient fermer leur porte. Sur une inscription affichée sur la porte on pouvait lire « Geschlossen bis zum Endsieg » (fermé jusqu'à la victoire finale). Il s'agissait des restaurants « Au tilleul » et du « Au canon ».

Dès 1940, le Gauleiter WAGNER créa à Schirmeck un camp de sécurité ou camp de rééducation. C'est l'administration française qui l'avait construit en 1939 pour quelques réfugiés de la zone de feu de la ligne Maginot. Pendant l'occupation, il était destiné à recevoir, par voie d'internement administrative, les alsaciens et lorrains récalcitrants au National - socialisme, et de les convertir au nouveau régime. Le camp de sécurité de Vorbrück, camp de concentration, était commandé par Karl BUCK, l'homme à la jambe de bois. Des milliers de personnes hommes et femmes de toute origine et nation passaient au camp où les détenus étaient traités sans pitié comme le veut la tradition dans les camps de concentration. Avant mon incorporation de force dans la Wehrmacht, en 1942, j'ai eu l'occasion de me déplacer à Schirmeck-Labroque pour un déménagement. J'ai eu l'avantage de voir passer sur la route juste devant nous une colonne de détenus. Les sévices, les souffrances, les privations s'exprimaient à travers les traits de leur visage. Pour la population civile, il était strictement interdit de s'approcher ou même de s'arrêter pour les observer. Aucun des anciens détenus, libérés du camp après la période de rééducation ne soufflait mot des méthodes employées pour convertir les alsaciens récalcitrants au nazisme. Ce n'est qu'après la guerre qu'on a vraiment eu connaissance des circonstances atroces, des folies furieuses perpétrées sur les détenus.

Le camp de concentration du Struthof

Une petite anecdote s'impose d'être citée : Lucien EBER de Sélestat, cousin de la mère de maman née JOST, fut interné au camp de rééducation à Schirmeck pour avoir chanté dans une auberge la Marseillaise. La mère de Lucien, d'un certain âge, s'est transportée à Schirmeck pour voir son fils. Les visites étaient bien sûr strictement interdites. Toutefois, elle a pu apercevoir son fils partant en colonne pour travailler dans une carrière. Elle n'a pas pu résister à la tentation de s'approcher de la colonne que déjà un des gardes hurlait « Was will denn diese alte Hexe » (Que veut cette vieille sorcière). La visite était terminée !

Le camp de concentration le « Struthof » fut construit à partir d'avril 1941. Les détenus de Vorbrück devaient participer à ces travaux ainsi que des commandos d'alsaciens réquisitionnés (environ 200). Les premiers déportés au camp du Struthof arrivaient le 21 mai 1941. Ils étaient environ 150. Le Obersturmführer-SS Josef KRAMER était désigné comme Lagerführer. Les alsaciens savaient qu'il se passait des choses douteuses et qu'une cheminée crachait jour et nuit de la fumée d'une odeur nauséabonde de chair brûlée.

Dès les premières semaines de la nouvelle administration civile, une mesure significative fut prise concernant l'abolition des expressions françaises de salutation, comme : salut, au-revoir, trottoir, bonjour, etc... expressions toujours usitées en Alsace depuis la nuit des temps. La nouvelle forme imposée était le salut hitlérien « Heil Hitler ». D'ailleurs personne ne respectait cette forme de salutation. Entre copains et connaissances on se disait toujours salut, en public ou devant des personnes étrangères on disait tout au plus en dialecte « gueda Daa » qui voulait dire bonne journée. La boutade suivante circula pendant l'occupation, du gars qui devait signaler à l'administration la mort de son chien. D'un pas ferme et résolu il entra au bureau du préposé, se planta devant lui, leva la main pour le salut obligatoire et annonce d'une voix ferme : « Heil Hitler, der Hund isch verreckt » (le chien est crevé, allusion faite à Hitler).

Haine contre l'occupant

La haine contre l'occupant était tellement imprégnée dans notre esprit que déjà à 15/16 ans nous pensions faire de la résistance contre ce régime totalitaire. Nous ne savions pas sous quelle forme cette résistance devait s'appliquer. Bien que les médias publiaient, après la guerre, que la lutte contre l'occupant s'organisait dès 1941, je pense que cette information est une erreur grossière. Nous ne connaissions à cette époque aucune organisation ni pour organiser des actes de sabotage ni même pour aider les incorporés de force à s'évader en zone libre ou en Suisse. Ce n'est qu'à l'approche de l'armée alliée qu'une force intérieure s'est formée.

Nos actes de bravoure consistaient à barbouiller les édifices publics d'un grand V, signifiant Victoire ou de peindre sur les portails des gens politiquement douteux des croix gammées. Cette forme de résistance pas très violente causait de gros ennuis au Bürgemeister, car il devait faire disparaître ces graffitis dans le moindre délai et avant le passage de la police. Si le rationnement alimentaire avait déjà, partiellement été institué le 25 juillet 1940, pour les viandes et tous leurs sous-produits, le rationnement général, avec l'institution du système des cartes devenait officiel le 15 septembre de cette même année. C'est à partir de cette date que le marché noir et le troc furent également institués. Il est difficile de s'imaginer, avec le recul du temps, tout ce qui a été échangé par troc, tout ce qui a fait l'objet d'un marché noir très florissant des produits alimentaires et dont certains agriculteurs se sont enrichis malhonnêtement en faisant payer à ces pauvres gens de la ville des prix exorbitants. En milieu rural, l'alimentation n'était pas le problème majeur de la population. Le rationnement des pneus pour vélos, des chaussures, des vêtements posaient par contre problème. Souvent, les pneus usés étaient dédoublés, de sorte que la bande de roulement était soumise à des chocs se répercutant sur l'ensemble du cycle, ce qui n'était pas très confortable.

Pour clore ce chapitre, restant profondément imprégné dans la mémoire de ceux et de celles soumis inlassablement à une doctrine d'un régime nouveau, totalitaire, je voudrais citer une boutade significative qui circulait pendant l'occupation. « Un officier allemand faisant remarquer à une dame que plus de 20 années d'administration française n'ont pas su franciser l'Alsace, et la dame de répondre, c'est vrai, vous avez réussi à le faire en quinze jours ».

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.